Chroniques

par bertrand bolognesi

Pierre-André Valade dirige l’Orchestre Philharmonique de Monte Carlo
première monégasque et française du Cello Concerto d’Elliott Carter

Printemps des arts / Auditorium Rainier III, Monte Carlo
- 15 avril 2006

L’évènement musical majeur de la saison monégasque, occupant les trois premières semaines d’avril, consacre le week-end pascal à Pierre Boulez, avec deux concerts donnés par l’Ensemble Intercontemporain et son fondateur – hier soir, nous entendions Anthèmes 2, Dialogue de l’ombre double et Sur Incises, demain offrira Explosante… fixe et Répons, soit des œuvres récentes. Quant à lui, l’Orchestre Philharmonique de Monte Carlo se produit ce soir dans un programme dont la cohérence n’est pas sans rappeler ceux qu’autrefois le compositeur et chef français imagina dans le cadre des saisons dirigées à Londres et à New York. Si, succinctement mais sûrement, Boulez présente le contenu en préambule, c’est à Pierre-André Valade que le pupitre est confié.

À partir des cinq pièces pour quatuor à cordes de 1909, Anton Webern réalisera vingt ans plus tard ses Cinq mouvements Op.5 (pour cordes) par lesquels s’ouvre le concert. Dès Heftig bewegt, la lecture de Valade s’ingénie à en faire sonner assez efficacement l’héritage mahlérien dont elle souligne le lyrisme résiduel. De même apprécie-t-on la soigneuse articulation du second épisode et l’inquiète tension du suivant. Ce n’est malheureusement pas ce qui marque le plus, tant l’écoute est malmenée par d’importants soucis de mise en place, des pizz’ démultipliés par une imprécision médusante ou d’impossibles unissons de cordes. Cette formation n’ayant pas à rougir de ses prestations passées, on se demande ce qui occasionne une exécution tellement approximative.

Commandé par Daniel Barenboïm et le Chicago Symphony Orchestra qui, à l’automne 2001, en dirigeait la création à la tête de la prestigieuse formation illinoise avec le concours de Yo-Yo Ma pour la partie soliste, le Cello Concerto d’Elliott Carter,écrit en 2000, est présenté en première française et monégasque. Conçu en sept parties enchaînées qui occupent une vingtaine de minutes, cet opus convoque un effectif généreux. La masse orchestrale ne semble pas avoir livré ses secrets à Pierre-André Valade – nous le constations il y a deux ans lors d’un programme où il conduisait l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg [lire notre chronique du 25 septembre 2004] : le chef ne parvient guère à dominer l’orchestre. Son approche du Cello Concerto ne nous aide guère à sortir du carême. La musique de Carter nécessite d’être menée clairement pour se révéler ; la tentative d’aujourd’hui la dessert.

Après un début difficile, le public doit subir la fantaisie d’un soliste peu concentré qui, vers le milieu de l’œuvre, s’interrompt après avoir tourner deux pages au lieu d’une seule… Un sage conseillerait sans doute d’en sourire, mais la frustration est si grande que cette étourderie n’est pas loin de générer la colère. Quand, pour finir de fleurir ce lamentable ratage, Valade propose de reprendre à l’amorce de la section avortée plutôt que de recommencer à la première mesure, comme il le faudrait pour avoir quelques chances de réellement faire entendre dans sa continuité – le compositeur la souhaite « ininterrompue », faut-il le rappeler ? –, le scandale d’un tel manque de sérieux ferme l’écoute.

Encore peut-on imaginer que Gary Hoffman s’en trouve chagriné : la solution d’une reprise intégrale n’aurait-elle pas cicatrisé son désarroi ? Ainsi la création française et monégasque du Cello Concerto de Carter n’a-t-elle toujours pas eu lieu.

Après l’entracte, c’est à scier Petrouchka que les artistes s’affairent, tout au long d’une vocifération copieuse où l’on remarque le flou des attaques autant que l’absence de relief. Par le maintien d’un f immuable, Valade parvient à aplanir la pantomime de Stravinsky, bien au-delà de ce qu’un mauvais rêve aurait cru possible.

BB