Chroniques

par bertrand bolognesi

Pierre Boulez dirige l’Orchestre de Paris
Жар-птица | L’oiseau de feu

ballet d’Igor Stravinsky
Pyramide du Louvre, Paris
- 2 décembre 2008
le compositeur russe Igor Stravinsky et son chat Prophète
© dr

Sans doute n’est-il pas si simple qu’on l’imagine de concevoir le concert de clôture d’un événement de l’importance du Louvre invite Pierre Boulez. En acceptant de diriger l’Orchestre de Paris sous la pyramide de Leoh Ming Pei, le chef s’engageait à solutionner plusieurs questions. Ainsi qu’il le rappelait lors de la table ronde La Philharmonie de Paris : un projet artistique et architectural durant laquelle il devisait avec Laurent Bayle et Jean Nouvel, le 7 novembre, l’acoustique de l’édifice pourrait s’avérer inappropriée, avec son dallage ricochant les sons vers la haute structure de verre montée sur métal. Il importait de recouvrir l’intégralité de ce dallage d’une matière suffisamment dense pour en contrecarrer la réflexion : assis à même le sol, le public ferait largement l’affaire. Le résultat ne pouvant être garanti que par une fréquentation maximale du concert, l’accès libre s’impose naturellement. Mais, pour qu’un concert gratuit trouve un certain écho auprès d’un public ainsi rendu plus large, encore fallait-il choisir de n’y jouer qu’une seule œuvre, pas trop longue et d’un seul tenant, et que celle-ci « raconte une histoire », dit le maître. Ainsi du premier grand ballet de Stravinsky [photo].

À 19h20, beaucoup d’adolescents se sont déjà installés en un camp sympathique couvrant une grande partie de l’espace libre entre l’escalier centrale et l’orchestre. Peu à peu complété par les aînés, le tapis se compose à vue d’œil, gagnant l’autre rive du pignon. Vers 20h10, les musiciens de la formation parisienne gagnent la scène, bientôt rejoints par Pierre Boulez qui, la veille, présentait et commentait l’œuvre aux plus jeunes (salle Pleyel).

Aux enchantements évoqués par la partition, jouée ce soir à peine plus lentement afin de pallier la résonnance des cuivres et des percussions, répond la bonne surprise d’une pyramide qui sonne tout autrement qu’on aurait pu le craindre. Le verre magnifie l’aigu des trois harpes et du piano, sa hauteur invente une aura particulière aux cuivres, le dallage propage en diableries les orages de timbales.

Dans cette configuration, plus que jamais ce sont les corps eux-mêmes qui goûtent un Oiseau de feu à ravir l’écoute. Sans aller jusqu’à penser, comme Peter Brook, que le trop douillet confort de nos théâtres endormirait nos oreilles, à ceux qui frileusement redoutaient qu’un public non habitué des salles de concerts et de leur cérémonial fût dissipé, il est répondu ce soir qu’au contraire ce public-là semble savoir écouter et goûte à sa juste valeur la qualité de l’exécution. Avouons-le : ici, nulle quinte de toux, pas de messes basses, de brochures chutant sur un parquet. Lorsque la musique s’arrête, les quelques vingt mètres en pointe de la cour Napoléon, où d’en haut d’autres ont admirés le concert sous la pluie, s’embrasent de hourras. Pierre Boulez et l’Orchestre de Paris saluent ce bel enthousiasme par le bref Feu d’artifice Op.4, écrit deux ans avant le ballet.

Rappelons enfin la générosité de Pierre Boulez qui dirigeait gracieusement cette soirée d’exception, diffusée en direct sur les sites de l’Orchestre de Paris, de Medici TV, du Louvre et de France 3 (à voir jusqu’à la fin janvier), dans une captation signée Andy Sommer. Quant à lui, France Musique retransmettra le concert le 11 décembre, à 10h du matin.

BB