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Chroniques
portrait de Michael Jarrell
...car le pensé et l’être sont une même chose...
L’ensemble Klanforum de Vienne et les Neue Vocalsolisten de Stuttgart brossent le portrait du compositeur suisse Michael Jarrell. Pour mémoire, nous pourrons rappeler que Jarrell est genevois, que son travail fut remarqué au début des années quatre-vingt avec des œuvres comme Assonance, et que le public français fit sa rencontre il y a une dizaine d’années à travers Cassandre, monodrame pour récitante et orchestre sur un texte de Christa Wolf, joué au Théâtre du Châtelet. La voix prend une certaine place dans son œuvre, puisqu’on dénombre dans son catalogue cinq pièces utilisant un chœur, cinq autres ayant recours à une voix soliste, et deux opéras (Cassandre, Dérives).
La soirée s’ouvre avec Essaims-Cribles, pour clarinette basse solo et ensemble, écrit entre 1986 et 1988, sous-titré ballet de chambre et conçu pour la danse. La vertigineuse pérégrination de l’instrument soliste, avec son long phrasé central comme suspendu, est assumée par Ernesto Molinari. Au pupitre, Emilio Pomarico articule discrètement les quatre climats de l’œuvre, le premier très dense, le solo du suivant, puis la section rythmique, et, pour finir, la complexité du tissu timbrique soutenant les traits mélismatiques de la clarinette. Dix ans plus tard, L’Itinéraire et les Neue Vocalsolistende Stuttgart déjà au rendez-vous créaient Formes-Fragments IIb pour quatre voix, ensemble et dispositif électronique ; les artistes de ce soir en présentent une lecture tendue, dès les attaques successives des premières mesures, puis concentrent leurs efforts dans le rendu subtil des effets de textures sur l’égrènement final du texte (un peu à la manière de Nono).
Pour six voix a cappella, auto-ponctuées par l’usage occasionnel de percussions (gong, maracas, tam, bol tibétain, etc.), ...car le pensé et l’être sont une même chose... est le morceau le plus récent de ce concert (2002), à partir d’un texte de Parménide. Les Neue Vocalsolisten en donnent une lecture d’une grande minutie que le public salue chaleureusement. Enfin, c’est Music for a While qui ferme cette monographie, une œuvre pour ensemble qui compte aujourd’hui neuf ans et dédiée à Klaus Huber (l’un des maîtres de Jarrell) pour son soixante-dixième anniversaire. S’articulant sur trois parties enchaînées, la partition présente un chemin relativement similaire à la plupart des pièces entendues ce soir, à savoir une ouverture dense et énergique, un centre comme suspendu, puis une fin convoquant mélismes et ornements qui peu à peu s’installe en une plus ou moins lente extinction.
BB