Chroniques

par laurent bergnach

Quaerendo Invenietis
œuvres de Debussy et Ravel

Musée Carnavalet, Paris
- 12 décembre 2004
Leonardo da Vinci, Ecce Homo, l'homme de Vitruve, Accademia di Venezia
© dr | leonardo da vinci, accademia (venise)

Pour la quatrième année, un dimanche après-midi par mois Quaerendo Invenietis s'installe au Musée Carnavalet. Cette formation de chambre à géométrie variable (un à douze musiciens non dirigés) aborde des œuvres rarement jouées à cause de leur effectif, conçues entre 1600 et aujourd’hui, et tente d'accueillir les instruments les plus variés, du cor au piano, de la harpe au saxophone en passant par le baryton. La plupart des artistes entendus ce jour travaillent régulièrement avec des orchestres et des formations réputées (Court-circuit, Ensemble Intercontemporain, L'Itinéraire, Orchestre de Paris, Quatuor Diotima, etc.).

Avec Couperin et Rameau à l'esprit, Debussy s'attaque à la seconde de ses sonates, la Sonate pour flûte, alto et harpe (composée entre fin septembre et début octobre 1915), reconnue comme la plus libre et la plus fantaisiste des trois, sans doute parce qu'écrite avec la volonté de paraître improvisée. Si le jeu de l'alto (Erwan Richard) vole la vedette à une flûte plutôt sage sur la Pastorale, Jérémie Févre se montrera plus virtuose dans l'Interlude. Sachant que Debussy avait préféré l'alto « affreusement mélancolique » au hautbois initialement prévu, on apprécie l'exécution sombre, voire inquiétante, du Final dans lequel une harpe pleine de frénésie accompagne les deux instrumentistes.

Duo en quatre mouvements, la Sonate pour violon et violoncelle sera créée le 6 avril 1922. Le musicologue Émile Vuillermoz ne fut pas tendre avec son auteur, lui reprochant de « modeler toute une symphonie en ne se servant que du pouce et de l'index ». À cette accusation de pauvreté polyphonique, laissons Ravel répondre : « je crois que cette sonate marque un tournant dans l'évolution de ma carrière. Le dépouillement y est poussé à l'extrême. Renoncement au charme harmonique, réaction de plus en plus marquée dans le sens de la mélodie ». Entre un début et une fin d'Allegro abordés avec beaucoup de légèreté, comme un effleurement de cordes, Nicolas Miribel (violon) etAlexis Descharmes (violoncelle) entrent dans le son avec une formidable maîtrise. Le second mouvement, Très vif, est littéralement électrique, sans négliger pour autant d'apporter du relief aux nombreux pizz'. Lent, le troisième l’est indéniablement, avançant calme et droit, comme un déchirement en voie de s'apaiser. Avec une joie bondissante, non exempte de rugosité folklorique, Vif met un terme brillant à cette magnifique interprétation.

Réalisé par le harpiste Fabrice Pierre, voici une réduction pour quintette des deux Danses pour harpe et cordes de Debussy. Composée en 1904 (entre Pelléas et Mélisande et La mer), l'œuvre fut une commande de la maison Pleyel qui souhaitait mettre en avant les qualités de sa harpe chromatique, pourvue de deux rangs de cordes – un instrument qui demeurerait une curiosité. On retrouve l'atmosphère antique de nombreuses autres partitions. Le jeu de la harpiste Éléonore Euler-Cabantous est mis en valeur, discrètement accompagnée par l'alto, le violoncelle, la contrebasse (Hsiao-Yi Chiang) et des violons délicats – Maud Ayats et Guillaume Barli.

Phénomène de concurrence ? La harpe chromatique n'avait pas qu'un fabricant. La maison Érard passe elle aussi commande, cette fois à Ravel, d'une partition que le compositeur finissait en juin 1905, peu après son Quatuor à cordes. Créé le 22 février 1907, Introduction et Allegro donne une place de choix à deux soli de harpe, dont glissandos et arpèges nous éloignent clairement de laSonate précédemment évoquée. Quatuor à cordes, flûte et clarinette (Nicolas Baldeyrou) servent un sentimentalisme qui ne sera bientôt plus du goût de son créateur.

LB