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Chroniques
quatre créations d’élèves du CNSMD de Paris
œuvres d’Amarouch, Apodaka, Quintana et Mérigeau
Ces mercredi 30 et jeudi 31 janvier, au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, se déroule un colloque intitulé Le compositeur et l’histoire : XXe et XXIe siècle. Du matin jusqu’en fin d’après-midi, plusieurs tables-rondes permettent d’entendre la paroles de créateurs de différentes générations, bien sûr, mais aussi celle d’interprètes, journalistes et responsables institutionnels. Elles sont entrecoupées d’échanges avec le public et de mini-conférences d’un demi-heure environ, sur des sujets qui mettent en jeu transmission, réception, héritage et transgression. Cette première journée est couronnée par un concert de compositeurs en début de carrière, pas encore trentenaires pour certains, qui poursuivent leur formation tout en ayant déjà présenté leur travail à un public.
Guitariste à l’origine et créateur salué par plusieurs jurys, Samir Amarouch (né en 1991) [photo] est le premier de ceux-là, dont on fit la connaissance un peu avant d’entrer dans l’Espace Maurice Fleuret. En effet, avec une consœur (Justina Repečkaitė) et quatre confrères (Bastien David, Florent Caron Darras, Guillaume Hermen, etc.), il a répondu à des questions du critique et enseignant Pierre Gervasoni sur leur approche du CNSMD, la méfiance envers les maîtres, la profondeur de leur mémoire patrimoniale ou encore le rôle de l’histoire personnelle dans la production artistique.
Samir Amarouch avoue les influences de Grisey, Sciarrino et Romitelli sur sa musique. En amont de sa pièce jouée, comme les autres au programme, par des élèves mêlés à des interprètes aguerris – tels Sophie Cherrier [lire notre critique du CD], Hideki Nagano et Samuel Favre [lire notre chronique du 11 juin 2015] –, il évoque sa recherche d’une sonorité minimaliste qui passe par la réduction du matériau. Celle-ci fait alors surgir la rugosité, via une masse grave assez puissante, comme c’est le cas dans Electronica-1, conçue pour huit interprètes guidés par un chef contraint à l’arythmie. Le grain lumineux de l’accordéon marque l’oreille comme, vers la fin, les flèches du piccolo associées à des frappes sèches aux percussions. À juste titre, ce travail scintillant et ciselé est fort applaudi.
Parvenu dans la capitale française après des études à Barcelone, l’Espagnol Daniel Apodaka (né en 1990) y a trouvé, comme beaucoup, le soutien de Stefano Gervasoni, Yan Maresz et Luis Naón, ainsi que la possibilité de révéler sa sensibilité par des esthétique et des pensées variées (Appel, Feldman, Malevitch, Sciarrino, etc.). Il présente Suoni notturni comme une allégorie du travail d’artiste, pariant sur l’obscurité pour témoigner du mystère de la création, et s’effraye qu’on l’accuse d’avoir supprimé le chef – « Non, non, je n’ai supprimé personne ! »). Un piano impressionniste domine ce quintette aux échos debussystes, que les vents prennent du temps à rejoindre, en vagues lentes et douces, avant quelques touches à la frénésie contenue.
Les œuvres présentées n’excédant pas le quart d’heure, c’est sans entracte que se poursuit le concert, avec Luis Quintana (né en 1988). Actuellement dans la classe de Gérard Pesson, après avoir approché Jean-Luc Hervé, le Portoricain présente Smudges over dripping ink dont le titre, qui évoque la bavure liée à la goutte d’encre, condense à merveille le propos : à savoir huit instrumentistes subordonnés aux caprices du pianiste – c’est d’ailleurs lui qui pose la note finale, avec un coup de mailloche sur les cordes. De ce mouvement voulu simple, et comme un paysage aux multiples fenêtres, on retient le gout pour les mélanges contrastés : un clavier espiègle s’oppose à des vents tristes, une trompette bouchée mène sa fantaisie au sein de cordes tragiques, etc.
Connu comme percussionniste dans divers ensembles (Hiatus, La Septième Triple, etc.), Théo Mérigeau (né en 1987) étudia avec Pierre Pincemaille, Alain Mabit, et Frédéric Durieux – lequel, dans l’après-midi, mit en garde contre une conservation excessive et trompeuse en rappelant que nous nous servons plus souvent du passé que le passé nous sert. Le trentenaire s’avoue fasciné par les instruments mécaniques et intègre souvent à ses compositions un Disklavier (piano à queue contrôlé par un système MIDI). Outre sa présence scénique très forte, cet hybride lui permet de s’amuser avec des lacunes inhérentes. On quitte la salle ravi par l’énergie positive (façon Reich) d’Hoquetus mechanics, où les gongs finissent par tenir sous une coupole vibrante le reste de l’orchestre guidé par Simon Proust.
LB