Chroniques

par gilles charlassier

Quatuor Escher
création française du Quatrième Quatuor de Pierre Jalbert

Auditorium du Louvre, Paris
- 30 mars 2011

Deux ans après leurs débuts en France dans ce même Auditorium du Louvre, le Quatuor Escher revient en ses murs. Le programme s’ouvre par le Quatuor en ré majeur Op.44 n°1 de Mendelssohn. La facture du Molto allegro vivace initial fait allégeance à la tradition du classicisme viennois, avec un premier thème brillant mettant en valeur le premier violon et un second thème plus intérieur. Le Menuetto qui suit surprend par son tempo très modéré et son écriture privilégiant le mezza voce – alors que Beethoven lui préférait déjà la vigueur du scherzo. L’Andante espressivo ma con moto, contrastant peu avec le mouvement précédent, est emmené par le premier violon et séduit par sa délicatesse. Le Presto con brio final conclut avec une énergie presque schubertienne cette partition à l’élégance idiomatique du compositeur germanique.

Le Quatrième quatuor à cordes de Pierre Jalbert a été écrit à l’intention des interprètes de ce soir, qui le donnent aujourd’hui en première française. Après un premier mouvement bref et vif où se succèdent des traits rapides soutenus par une pulsation roborative, le deuxième, lent, Waveform, est une lamentation où l’on peut entendre des réminiscences mahlériennes – le fondu des cordes rappelle quelque célèbreAllegretto. La progression dramatique et harmonique porte l’empreinte évidente de Schnittke. Avec sa vélocité étourdissante et ses motifs à l’insistance un peu têtue, le troisième mouvement relève du scherzo. On retrouve cette vigueur dans le finale qui reprend et développe le matériau du premier mouvement. Si la partition ne découvre pas d’horizons sonores nouveaux, son syncrétisme esthétique se montre fort séduisant et procure une agréable sensation de familiarité. Alors que le premier mouvement fait penser au minimalisme répétitif américain, la suite du quatuor a des atours plus Mitteleuropa (Janáček, Bartók ou même Ligeti dans le traitement des micro-intervalles), voire parfois presque slave.

La seconde partie du concert est consacrée au Quatuor en la mineur Op.132 n°15 de Beethoven. L’Assai sostenuto, allegro est attaqué avec beaucoup d’énergie. Plus de rondeur aurait été cependant souhaitable, plus de légèreté peut-être aussi. Après le second mouvement d’allure assez vive, Allegro ma non tanto, le Molto adagio constitue le sommet de la partition. Le côté archaïsant et solennel du thème est remarquablement rendu, de même qu’est mis en place avec intelligence le renouvellement de la hiérarchie des pupitres opéré par le compositeur. Le finale, Alla marcia, assai vivace, est entamé avec une fougue un peu appuyée, avant le fameux Allegro appassionato et son thème slavisant. On reste en compagnie de Beethoven pour le bis, avec le mouvement initial du quartetto serioso, leOnzième. La consistance de la pâte sonore met en valeur l’écriture dense de cette page qui rend hommage à la fugue et au Cantor de Leipzig.

En partenariat avec Arte, le concert de ce soir est disponible en webcast sur liveweb.arte.tv pendant deux mois, permettant d’élargir l’audience d’un genre que l’on juge trop souvent austère et élitiste.

GC