Chroniques

par cecil ameil

Quatuor Thaïs
André Grétry, Antonín Dvořák

Flagey, Bruxelles
- 30 septembre 2005
les dames du Quatuor Thaïs jouent Grétry et Dvořák au Flagey (Bruxelles)
© dr

Elles sont quatre jeunes musiciennes belges, toutes cordes tendues – deux violons, un alto et un violoncelle. Elles viennent d'enregistrer l'intégrale des six quatuors à cordes d’André Grétry, compositeur belge du XVIIIe siècle devenu directeur de musique à la cour française de Louis XVI. Kathy Adam, la violoncelliste, est une habituée des accompagnements de musiciens de jazz. L'altiste Wendy Ruymen est plutôt versée dans la musique baroque. L'une des violonistes, Elsa de Lacerda, a été jeune prodige, tandis que Caroline Bayet, l'autre, a plusieurs cordes à son archet comme membre de divers ensembles et déjà enseignante.

Le concert de vendredi lance un CD publié en septembre par Musica ficta. Les interprètes ont choisi de jouer les Quatuors n°1, n°2 et n°5 pour commencer, suivis du Quatuor américain de Dvořák en seconde partie – choix quelque peu surprenant, mais pourquoi pas ? Le problème est que les œuvres de Grétry, expressives et allantes mais plutôt concertantes, ne sont pas du même ressort que l'œuvre maîtresse du Tchèque, authentique musique de chambre d'une grande originalité d'inspiration.

Il est manifeste que la première partie, bien que largement rôdée par la préparation de l'enregistrement, laisse à entendre les déséquilibres de l'ensemble plus que ses qualités. Aux côtés d'un premier violon très présent et chantant, le second fait grise mine (avec parfois des grincements de cordes peu esthétiques) et les deux autres instruments sont bien trop sages – impressions différentes de l'écoute du CD, plus homogène. Qu'il s'agisse de mouvements ternaires, en canon, soit très rythmés, soit amples, ce schéma ne se modifie malheureusement pas.

Il est surprenant, par contraste, de découvrir les qualités du Quatuor Thaïs dans une pièce autrement complexe et aboutie : le Quatuor à cordes en fa majeur Op.96 B.179 « Américain » d’Antonín Dvořák, composé à la même époque que la trop célèbre Symphonie du Nouveau Monde, et comprenant quatre mouvements étincelants. Dès le premier, la parenté avec la Symphonie est évidente. En outre, chaque instrument trouve sa voix, avec des sonorités fort typées où, par exemple, le violoncelle fait penser au hululement d'un indien et les violons adoptent un phrasé dansant de Far West. Le deuxième fait la part belle au violoncelle, qui clôt en solo (on pourrait l'assimiler à une basse de blues), tandis que le troisième offre des consonances davantage fiévreuses dans un ternaire staccato. Le dernier épisode surprend par sa succession de phrases enlevées et langoureuses, de tonalités majeures et mineures.

Pas de doute que les quatre musiciennes trouvent leur place avec un certain bonheur dans cette allégorie de l'Ouest américain, leurs archets dansant parfaitement en phase, même si on préférerait une verve plus endiablée dans une pièce aussi expressive.

CA