Recherche
Chroniques
Quintette de cuivres de l'Opéra, de la scène lyrique au jazz
Si vous n'avez pas le moral en ce creux d'après la rentrée, rendez-vous avec de joyeux lurons autoproclamés dans la brochure de salle. Le Quintette de cuivres de l'Opéra national de Paris revient d'excellente humeur pour fêter ses huit ans d'existence par un concert spécial aux petites touches musicales variées, subtiles et humoristiques dans leurs adresses au public. Et si ça ne mord pas tout de suite, c'est qu'il faut l'Ouverture, profonde, mélodieuse mais à la rythmique de marche, de Dardanus de Jean-Philippe Rameau (1739), arrangée par Steven Verhelst (né en 1981), pour se sentir d'aplomb. Sur cette base rapide, élancée, les trompettes d'Alexis Demailly et de Marc Geujon, ainsi que le cor de David Défiez, se distinguent particulièrement, comme aux airs vifs suivants, également tirés du cinquième opéra de Rameau. Dans le faste des tambourins, en dernier extrait de cette œuvre rare en scène [lire nos chroniques du 22 avril 2004 et du 20 novembre 2009], l'ensemble redevient compact pour conclure la fresque baroque miniature par un bel acte de foi.
Dans la morosité de Bastille, volontiers les spectateurs esseulés en l'amphithéâtre à demi-nu adhèrent peut-être à la mélancolie offerte ensuite par le Quintette en si-bémol mineur Op.5 n°1 de Viktor Ewald (1902). C'est pour mieux faire connaissance avec une pièce originale et romantique, introduite par des phrases sereines, mais piquée ensuite de flammes épiques, pour parvenir à un semblant d'hymne à la mère patrie russe du compositeur (1860-1935), avec couleurs éclatantes et final nostalgique.
La traversée de Vitrail de Georges Delerue (1925-1992), autre pièce originale au programme, ce soir, lance en quatre mouvements de touchants appels, tour à tour pathétique, aigu ou incisif, via le trombone de Nicolas Vallade, notamment. Tantôt accusatrice, tantôt carcérale, l'ambiance évolue nettement mais demeure aussi très soignée car empreinte du savoir-faire du compositeur de musique de films et de la justesse des interprètes.
Le sommet de l'opéra populaire est atteint avec Carmen, actuel numéro Un dans les programmations mondiales. Au gré d’adaptations signées Bill Holcombe (1924-2010), les cuivres naviguent en des eaux bien connues, dans un lyrisme léger, clair et savoureux pour l'introduction à la séguedille, surtout.
Passé l'entracte, le dernier mouvement de Vertiges de Jérôme Naulais (né en 1951) porte la signature d'un maître moderne du genre (membre de l'Ensemble Intercontemporain). Aussi plaisant que bref, il invite le public à découvrir beaucoup plus d'œuvres écrites pour le quintette de cuivres. Mais alors que le concert dépasse allègrement la durée prévue d'une heure, les grandes émotions abondent enfin avec le langoureux Share my Yoke de Joy Webb (né en 1932), un classique de la culture du brass band anglais, arrangé par Alexis Demailly, proche d'un sincère tire-larmes, caressé par les doux aigus du cornettiste. Le cœur du public bat même la chamade pour la version très swing, par Luther Henderson (1919-2003), du Wohltemperierte Klavier. En trois sections très contrastées, il s'invite à la danse, initiée par un jitterbug, et à la joie si chère à Johann Sebastian Bach.
Le cocktail explosif jazz-opéra clôt la soirée avec audaces et humour – quand, toutes affaires cessantes, quatre musiciens sortent pour les délirants soli de tuba par Fabien Wallerand ! Sans rien enlever aux plaisirs précédents, le bonheur de jouer éclate donc aux deux derniers morceaux, Jive for five de Paul Nagle (arr. Holcombe) et, en bis accéléré, Le vol du bourdon de Rimski-Korsakov.
FC