Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Aline Zylberajch
œuvres de Giustini di Pistoia, Scarlatti et Soler

Festival d'Ambronay / Église Saint-Martin de Villette-sur-Ain
- 18 septembre 2005
récital de pianoforte d'Aline Zylberajch au Festival d'Ambronay 2005
© patoch

Précédant de quelques jours la publication de son nouveau disque, seconde parution du nouveau label Ambronay Éditions, entièrement consacré à la musique de Scarlatti, la claviériste Aline Zylberajch a imaginé un programme que Maria Bárbara Braganza du Portugal, future reine d'Espagne, eut pu entendre. Pour elle, le Padouan Bartolomeo Cristofori construisit cinq pianofortes d'une délicatesse de sonorité rare. Denzil Wraight, facteur d'instruments à clavier, spécialiste des organi di legno et clavecins italiens, a réalisé un « Cristofori d'aujourd'hui », pourrait-on dire, ici joué par Aline Zylberajch, ouvrant son récital par la Sonate n°4 de Lodovico Giustini di Pistoia, première pièce explicitement destinée au pianoforte, dans un recueil édité en 1732 ; saluons-en l'interprétation inspirée, extrêmement précise avec, entre autres, une Sarabande magnifiquement respirée.

Suit une quinzaine de Sonates de Domenico Scarlatti qui font goûter les qualités qu'on pourrait presque dire vocales de cet instrument offrant un grand équilibre et une élégance indéniables. Servant la Sonate K77 d'un travail soigné dynamique, la musicienne affirme encore plus évidemment le raffinement de son jeu et celui du pianoforte dans les pages lentes, comme la Sonate K277, parvenant à faire de la K291 une méditation, jusque dans une ornementation qui dépasse ses fonctions habituelles. Profitant de toutes les possibilités de couleurs de l'instrument, elle articule la K216 dans une douceur subtile et entretient un moelleux exquis tout au long de la K481. Son approche des sonates rapides demeure calme et sans ostentation, dessinant la ritournelle presque orchestrée de la K308 dans la seconde partie de laquelle elle oppose la relative violence de dissonances plus musclées à l'extrême délicatesse générale. De la K43 elle souligne à peine le caractère parfois angoissé d'un Scarlatti qu'on surprend plus d'une fois dans la tourmente intérieure. Une seule réserve : la Sonate en fa mineur K386 est un rien précipitée et manque de fantaisie.

Après cinq Sonates d’Antonio Soler que l'instrument sert avec le même à-propos, Aline Zylberajch livre en bis une déroutante et somptueuse Fantaisie pour clavier de Carl Philipp Emanuel Bach, puis prend congé d'un public fasciné – il n'aura de cesse d'aller regarder de plus près l'énigmatique dispensateur de merveilles, à savoir le Cristofori-Wraight qui n'a plus de secret pour l'artiste.

BB