Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Arcadi Volodos
œuvres de Liszt et Schubert

Festival International de Piano de La Roque d'Anthéron / Parc du Château de Florans
- 6 août 2008
le pianiste russe Arcadi Volodos à La Roque d'Anthéron 2008
© timothy white

C’est toujours avec un intérêt accru que l’on vient écouter un artiste que l’on n’a pas entendu depuis quelques années. Nous avions, en effet, laissé Arcadi Volodos à ses rodomontades virtuoses ; ce soir, nous le retrouvons dans un programme qui aidera peut-être à appréhender sa maturité.

Sans conteste, pour ce faire la Sonate en sol majeur D894 de Franz Schubert semble idéale. Le pianiste russe s’attelle à l’une des pages les plus difficiles du compositeur, convoquant des aspects antagonistes, voire fantasques, dans une unité secrète qui ne se livre pas aisément à l’interprète. Sa conception du Molto moderato e cantabile paraît sagement intériorisée, à peine relevée par des phrasés plein de reliefs dont on pourra dire qu’ils s’auto-désignent un peu trop, peut-être, et une gracieuse ornementation des motifs dans l’aigu. Concluant le mouvement dans une maigreur étonnante de sonorité, il impose une vision tragique. Ciselant discrètement le chant de l’Andante, plaçant l’épisode central dans une ombre menaçante qui n’est pas que ténèbres mais plutôt robuste profondeur, l’exécution amène assez évidemment la sobriété presque sculpturale du Menuetto dont elle développe le second thème dans une couleur infiniment tendre. L’Allegretto s’en trouve largement affecté (dans le bon sens du terme) jusqu’à une fin concise qui signe une lecture d’une grande inspiration poétique.

La seconde partie de la soirée est entièrement consacrée à la musique de Ferenc Liszt, avec, tout d’abord, une Vallée d’Obermann (Années de Pèlerinage, Suisse) articulée d’un geste pudique, sensiblement hérité de l’œuvre précédente, qui ne se laisse jamais aller à la démonstration. Concentré dans son écoute, le public n’interrompt pas un menu qui déploie des trésors intimes. Il pensiero (Années de pèlerinage, Italie) s’engage alors comme une crue qui rompt peu à peu ses digues, avec une pédalisation copieuse mais soigneusement choisie. À une conclusion nette et sans complaisance répondra un Saint François d’Assise : La prédication aux oiseaux (Légende n°1) tout de délicatesse.

C’était sans compter sur une Rhapsodie hongroise en ré mineur n°13 révisée par Arcadi Volodos lui-même qui s’y adonne à un numéro de voltige incongru. Dans une fluidité extrême, il saborde toute musicalité par une orgie d’effets. On comprend mal comment un récital aussi recueilli peut s’achever de telle manière. De fait, en bis, le pianiste paraphrase Chopin, Scriabine et Rachmaninov, joue une page personnelle, et ainsi de suite, exhibant sa technique comme au cirque à travers six Encore des plus spectaculaires mais sans intérêt aucun. Demeurera le souvenir d’une D894 passionnante qui invite à attendre le musicien quelques années encore.

BB