Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Brigitte Engerer
« hymne à la nuit »

Festival International de Piano de La Roque d'Anthéron / Cloître de Silvacane
- 7 août 2008
la pianiste Brigitte Engerer joue Schubert à La Roque d'Anthéron 2008
© anton solomoukha

C’est dans un cloître protégé des vents mais dont la cour centrale vient d’être chauffée à blanc par un après-midi provençal caniculaire que Brigitte Engerer se lance dans le programme qu’elle a gravé au disque (exceptée la Wanderer Fantasie D760), Hymne à la nuit, conçu comme un voyage schubertien vécu à sa source ou à travers le prisme des transcriptions lisztiennes.

Indéniablement, le lieu n’offre pas les conditions nécessaires. Répartis sur trois côtés et demi, les auditeurs devinent, pour la plupart, la pianiste qu’on a placé dans un angle. Le son se perd, variant considérablement selon qu’on se trouve ici ou là. Mais, surtout, la chaleur s’avère le handicap majeur. Les rangs de chaises sont extrêmement rapprochés, leur proximité elle-même entrave la respiration, la moiteur gagne chacun et jusqu’à l’artiste, partageant avec nous une sorte de léthargie qui nuit tant au jeu qu’à l’écoute. C’est le lot des festivals de s’accommoder de conditions parfois difficiles. Les uns souffrent de l’orage, les autres du mistral, etc. N’aurait-il pas été toutefois possible d’imaginer d’accueillir ce concert intra muros, dans la fraîcheur de la pierre, plutôt que dans un entre-deux embrasé ?

Bref, nous n’avons guère l’occasion d’apprécier les qualités de Brigitte Engerer. Sa lecture de l’Impromptu en sol bémol majeur D899 deSchubert paraît abuser du rubato, de soupirs affectés, de céders non toujours bien placés, si bien qu’on pourrait être tenté de croire à une affèterie qui se pâme. Cela dit, l’articulation est souple, la sonorité ronde, comme le montrera la Kupelwieser Walzer énoncée posément, dans une inflexion infiniment tendre. Beaucoup plus sobre encore, la Mélodie hongroise en si mineur D817 se révèle délicatement inspirée.

La musicienne nous emmène ensuite dans neuf des transcriptions de Lieder de Schubert par Ferenc Liszt. Der Doppelgänger gagne sous ses doigts un relief remarquable, affirmant une compréhension de la respiration du chanteur comme du climat du poème. L’approche de Die Stadt se montre plus nettement lisztienne, tandis qu’Am Meer développe une égalité chorale bienvenue. En revanche, on regrette une pédalisation parfois copieuse qui ne se soucie pas assez d’une acoustique particulière ayant tendance à tout brouiller. Notons l’articulation leste du chant, dans Aufenthalt (bien que relativement malmené par quelques approximations), un Ständchen finement coloré quoique poussif, l’élégant Der Müller und der Bach qui se noie quelque peu dans la touffeur générale. Les moins convaincants resteront un Frühlingsglaube confus, Litanei qui s’écoute trop et un Wanderer mélodramatique, disgracieusement grondeur.

BB