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Chroniques
récital de l’organiste Zsolt Máté Mészáros
Frescobaldi, Ligeti, Messiaen, Szathmáry et Virágh
Notre semaine au festival CAFe Budapest se poursuit au Belvárosi Plébániatemplom (Église paroissiale de la cité de Pest) : ce soir, c’est à un concert d’orgue que nous assistons, donné par le jeune Zsolt Máté Mészáros sur un Rieger du XIXe siècle, vraisemblablement plusieurs fois relevé tant s’avèrentefficace la dynamique et brillante la sonorité. Ce rendez-vous, dont la particularité est d’accueillir gratuitement le public, fera la part belle à András Gábor Virágh dont hier nous entendions Les visages de la lune [lire notre chronique de la veille], lui-même organiste. D’une veine hymnique à la gloire néoromantique, son Impromptu clairement tonal plonge dans l’emphase des Widor et Guilmant. Le troisième mouvement de ses Tres orationes (Trois oraisons) de 2012 invite un soprano aux côtés de la console. Eszter Zemlényi, d’un timbre lumineux et pur, ouvre cette page piétiste relativement austère. On la retrouve dans le Psaume n°4 de 2005 qui, bien qu’ayant emporté le premier prix du Los Angeles International Composer Competition l’année suivante, ne présente aucun intérêt.
À parler concours, l’heure est venue d’annoncer le palmarès du Forum des nouveaux compositeurs hongrois (UMZF) dont nous assistions, lundi et mardi, aux deux concerts de gala : dans la catégorie musique d’ensemble, le jury a décerné le troisième prix László Sándor pour Kristály-madár énekel a gyöngyöző cseresznyék között, le deuxième à Jonatán Zámbó dont nous avions beaucoup apprécié Méditation et le premier à la Pseudomarsch de Máté Balogh qui nous avait vigoureusement déplu. Dans la catégorie musique symphonique, Prières nocturnes d’Ádám Brandenburg a reçu le troisième prix et Plunderphonic intermezzi de Balázs Horváth le deuxième, tandis que le premier fut remis à Péter Tornyai – notre favori ! – pour Chorus Sturnorum [lire nos chroniques des 9 et 10 octobre 2017].
Nous évoquions hier les compositeurs qui ne purent quitter leur pays pendant la période communiste et qui, de ce fait, n’ont jamais confronté leur art à d’autres esthétiques. Pianiste, organiste et pédagogue né en 1939, Zsigmond Szathmáry, qui fut l’un des professeurs du récitaliste de ce soir, a beaucoup travaillé de l’autre côté du rideau de fer. Parti parfaire sa pratique de l’instrument dans la classe d’Helmut Walcha à Francfort dès le milieu des années soixante, il a poursuivi ses travaux de compositeur à Darmstadt, auprès d’Henri Pousseur, de Karlheinz Stockhausen et de son compatriote György Ligeti. Sa carrière d’organiste s’est déroulée en grande partie en Allemagne. À ce titre, il fut sollicité par de nombreux créateurs, de Wolfgang Rihm à Péter Eötvös et tant d’autres (il a d’ailleurs enregistré la musique de Giacinto Scelsi, pour le label Kairos). En 1988, il concevait Strófák orgonára és hangszalagra (Stances pour orgue et bande magnétique), qu’il révisa en 2001. Voyageant d’une aura bruitiste, issue des recherches concrètes, au sons tempérés, Szathmáry développe un véritable dialogue entre les sources sonores, jusqu’à brouiller la perception en sollicitant l’instrument dans les surgraves, si proches des souffles indéfinissables de la bande. Tout en s’implantant de manière fort savante, Strófák n’a rien de passéiste et révèle une audacieuse inventivité.
À Brême, en 1953, Karl-Erik Welin créait Omaggio a Girolamo Frescobaldi de Ligeti, rigoureux contrepoint à la manière du vieux maître italien (1583-1643) dont le ricercare du Credo puisé dans sa Messe des apôtres devient le prétexte, bientôt développé en thème dodécaphonique. Zsolt Máté Mészáros enchaîne à présent le modèle, Ricercare cromatico post il Credo (vers 1615, généralement joué au positif ou au clavecin) à son cadet et suiveur (souvent entendu au piano), démarche qui révèle à la fois la démarche de Ligeti, encore dans sa période hongroise (il quitterait Budapest en 1956), et la richesse intrinsèque de Frescobaldi. La simplicité salutaire de l’interprétation constitue la clé de voûte de ce récital.
Les oiseaux et les sources puis Le vent de l'Esprit sont les deux ultimes mouvements de la Messe de la Pentecôte d’Olivier Messiaen (1950), consacrés à la communion puis à la sortie. On reconnaît dans le premier l’embryon du leitmotiv de frère Léon dans Saint François d’Assise (1983). Le soin minutieux du chant, puis une inspiration élevée caractérisent l’interprétation remarquable de Zsolt Máté Mészáros.
BB