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Chroniques
récital Denis Kozhukhin
Il est des soirs où l’on se sent un peu seul, mais heureux d’assister à un concert qui restera indubitablement dans les annales. Quel plaisir pour un critique musical, en effet, que d’assister au récital d’un jeune artiste qui s’avère non seulement prometteur mais particulièrement doué et déjà doté d’une véritable aura internationale. Et que de regret de ne voir dans la salle aucun de ses confrères…
C’est ce qui s’est passé l’autre soir, au Théâtre des Bouffes du Nord, le concert donné en prélude d’une nouvelle série de concerts Maestro and friends *, avec le jeune pianiste russe Denis Kozhukhin, Premier Prix à vingt-trois ans du Concours Reine Elisabeth de Belgique 2010. Déjà entendu voilà deux ans dans un récital au Louvre puis, la saison dernière ici même comme chambriste, dans des réductions des deux concerti pour piano préparé par son maître et mentor Dimitri Bashkirov, et le Trio pour violon, violoncelle et piano de Chopin, il a confirmé aujourd’hui les impressions qu’il nous fit lors de ses deux premières prestations parisiennes.
Cette fois, il apparait plus mûr, plus assuré, plus intériorisé aussi. Sans doute cette récompense suprême de l’un des trois grands concours de piano internationaux, avec le Chopin et le Tchaïkovski, lui a-t-il apporté en assurance. Au point que son attitude face au clavier est désormais plus simple, plus naturelle, son jeu moins hautain et ampoulé, les doigts se posant sans effets de manches sur les touches.
Denis Kozhukhin présente une partie de son programme pour le concours belge, proposant une lumineuse Sonate pour pianoforte en mi bémol majeur Hob.XVI:49 de Joseph Haydn qui manque néanmoins de poésie, surtout dans le mouvement lent, pas assez chantant et trop terre à terre. Les douze Etudes symphoniques Op.13 de Robert Schumann apparaissent solides et consistantes, bien contrastées tout en restant homogènes, mais un peu trop fermes et contractées.
Brillante seconde partie : avec d'éblouissants Tableaux d'une exposition, le pianiste russe, chantant dans son jardin, offre une vision cosmique et grandiose du chef-d'œuvre de Modeste Moussorgski grâce à un jeu inventif, une liberté de toucher et un imaginaire de couleurs digne d'un Sviatoslav Richter juvénile. Comme s’il voulait retenir le temps, Kozhukhin enchaîne trois bis qui confirment combien le piano tient en lui un futur grand, avec un époustouflant Escalier du diable de Ligeti, une puissante page de Taneïev et, en conclusion, un Bach paisible arrangé par Siloti. A suivre absolument…
BS