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Chroniques
récital du baryton Stéphane Degout
mélodies de Chabrier, Dvořák, Liszt et Ravel
Fort d’une dizaine d’années à incarner sur les scènes européennes des personnages qui le sont tout autant – conçus par Britten, Debussy, Gluck, Monteverdi, Mozart, Puccini, Rameau, etc. –, Stéphane Degout se présente à nous décontracté et concentré, et ouvre son récital avec Cigánské melodie Op.55 (B104), le cycle le plus populaire d’Antonín Dvořák (Mélodies tziganes). Sans doute composée durant le mois de février 1880, cette partition pour ténor emprunte ses textes à Adolf Heyduk dont Guy Erismann écrit qu’« il parle des choses de la vie dans des strophes légères où l’on sent sa parenté avec les meilleurs poètes tchèques de son temps », retenant des tziganes « la douceur, la mélancolie et la musique, fruits de leur destin de déshérités » (in Antonín Dvořák, le génie d’un peuple, Fayard, 2004). Intelligemment, le chanteur se sert de la raucité de la langue pour chauffer une voix saine et stable, au timbre finement corsé.
Cet éloge du nomadisme se poursuit avec Die drei Zigeuner, un texte de Lenau que Ferenc Liszt mit en musique en 1860, qui offre bien des occasions de pauses et de nuances – en particulier pour Hélène Lucas, accompagnatrice actuelle et ancien professeur du baryton. Avec Franz Schubert, ce dernier explore toute une gamme d’intentions. Parmi les quatorze Lieder formant Der Schwanengesang D957 (recueil posthume sans réelle unité), le chanteur offre avec clarté et recueillement Am Meer, le premier des six choisis portant la signature d’Heinrich Heine. Avec Das Fischermädchen et Die Stadt, Stéphane Degout passe du badinage au tourment. Ihr Bild nous le montre apaisé, mais, bientôt, le narrateur redevient angoissé et rageur (Der Doppelgänger), conquérant et fiévreux (Der Atlas).
Entièrement française, la seconde partie du programme fait retrouver Reynaldo Hahn et Maurice Ravel, au lieu de Calligrammes attendu – malheureusement, d’ailleurs, car le cycle de Poulenc est rarement donné à Paris, alors qu’Histoires naturelles semble une carte de visite obligée. Le baryton s’y montre agréablement sobre, osant juste une langueur sur « les volailles » du Paon, et offrant un final franc au Cygne, sans lui faire un sort. Si Trois jours de vendange et Le Cimetière de campagne offrent des climats soudain bouleversés ou d’emblée surprenants, forçant à revoir notre jugement sur le natif de Caracas, que dire des chansons d’Emmanuel Chabrier qui terminent le récital ? Qu’on gaspille son talent à perpétuer L’Ile heureuse, Chanson pour Jeanne et Les cigales, des niaiseries bien loin de la vraie légèreté. En un bis enlevé, Debussy et sa Ballade des femmes de Paris redressent la barre.
LB