Chroniques

par marc develey

récital Fou Ts'ong
œuvres de Chopin, Fu Yuan, Haydn, Mozart et Schubert

Maison de la Radio, Paris
- 23 janvier 2005
le pianiste chinois Fou Ts'ong en récital à la Maison de la Radio (Paris)
© dr

Le récital du pianiste chinois Fou Ts'ong offre un jeu tout en délicatesse de son et de phrasé, mais globalement gâché par l'importance prise au détriment du rendu architectural des œuvres exécutées. Si bien que d'un concert où se sont côtoient Mozart, Haydn, Schubert, Chopin et le compositeur chinois contemporain Soong Fu Yuan, il ne nous reste guère que le souvenir d'arabesques ciselées et précieuses. De façon générale, les œuvres ne sont pas servies par un son spécifique à chacune – ou, peut-être, de façon trop subtile pour notre oreille, ce qui n'est pas à exclure.

La Fantaisie en ré mineur K397 de Mozart bénéficie certes d'un climat préromantique qui ne lui messied pas, mais dont le report, quasi à l'identique, sur la Sonate en fa majeur Hob: XVI/29 n°44 de Haydn vient rétroactivement faire mentir la possible pertinence. Le phrasé reste impeccable, le son est maîtrisé au point de faire chanter les aigus du Steinway (enfin !) ; perlés, portés, piqués, parfois un peu troublés par l'arythmie de certaines appogiatures, sont mobilisés au profit d'une réelle intelligence de la phrase. Mais de la phrase au texte musical, il se fait comme un hiatus, et l'on reste comme en suspens au-dessus de l'œuvre, simple occasion pour le pianiste d'exercer, à son égard, quelque chose qui ne la concerne pas vraiment. Aussi, sauf à plonger dans l'ivresse d'une atmosphère musicale, comme sans doute certains l'ont su, on se sent vite gêné par la monotonie des tropes et l'effet aplatissant qu'ils ont sur chacune des pièces. Dans Chopin, on espérait bien en la beauté du phrasé pour quelques belles pages recitativo. Mais si la Polonaise-Fantaisie en la bémol mineur Op.61 peut charmer çà et là, la Polonaise en mi bémol mineur Op.26 n°2 et les Mazurkas Op.50 se révèlent décevantes : un peu trop de pédale, un rubato marqué, et toujours cette sensation de ne point savoir où l'on va.

Quelques exceptions, pourtant : le deuxième mouvement de la Sonate en do majeur n°17 D840 de Schubert relève joliment le précédent à l'image de l'ensemble du concert. Là, le jeu rend une clarté peu courante à la phrase schubertienne, et les ciselures du phrasé ne semblent pas excessives. Il en va de même des Quatre pièces de Soong Fu Yuan, traversées d'un climat fort impressionniste - à l'exception, peut-être, de la troisième, assourdissante. La très brève Nostalgie (n°4), en particulier, laisse un beau souvenir ; le pianiste s'y fait enfin moins décalé par rapport à la partition qu'il interprète. Et l'on songe à ce qu'il aurait pu nous proposer dans Debussy dont la musique s'accorde sans doute mieux aux qualités d'un piano plus redevable de la fugacité du geste impressionniste que de la densité des constructions classiques et romantiques.

MD