Chroniques

par david verdier

récital Franco Fagioli

Les Grandes Voix / Salle Gaveau, Paris
- 10 janvier 2013
le contre-ténor argentin Franco Fagioli pour la première fois Salle Gaveau
© julian laidig

Gaveau accueille le premier récital du contre-ténor Franco Fagioli et – c'est une bonne nouvelle – la salle est pleine à craquer. Au delà d'un répertoire baroque, désormais bien établi dans le paysage culturel et dans les habitudes du public, on peut évoquer la fascination de l'écoute pour une vocalité hors du commun.

Le programme alterne pièces virtuoses et instrumentales autour de la thématique assez « téléphonée » des Virtuosités baroques – composante essentielle et attendue d'un art du chant duquel naîtra le bel canto à venir. Le pastoral Se l'aura spira de Frescobaldi fait quelques pas prudents en direction de la virtuosité promise. La voix s'y montre déjà excessivement ornée et roulant des vocalises vieil-or sur un accompagnement très sage à l'archiluth et au violoncelle. Il faut passer très vite sur une mobilité du visage qui s'avère un leurre, jouant a contrario d'un masque légèrement rigide et d'une émission vocale un rien pâteuse qui brouille parfois la lisibilité du texte. Ces rares reproches ne pèsent pas lourd dans la balance expressive d'un Monteverdi avec cet Ecco di dolci raggi il sor amato, léger et « scherzo » au point que les flèches lumineuses qui s'élancent vers l'aigu vibrent d'une amoureuse gaieté ne dissimulant par leur plaisir.

Benedetto Ferrari, inventeur du théâtre musical vénitien, brille par une écriture musicale dans le plus pur style de la poésie amoureuse baroque. Derrière les métaphores enflammées, florales et sentimentales, s'installe une forme de legato continu et mordoré. Le détaché n'oublie jamais ce legato qui le précède au point qu'on peine parfois à différencier les nuances spiccato qui font ressortir les fins de phrase. Jamais incisifs les aigus cèdent à une expression ouatée qui se refuse aux effets plus contrastés. Il y a là une confirmation d'une essence vocale mezzo-soprano que seul le travail et les exercices permettent d'étirer dans les sphères stratosphériques.

On préfère les rinceaux fragiles d'Aure soavi e liete de Händel – vrai moment de grâce qui offre à Franco Fagioli un registre en retrait du vernis pyrotechnique mais plus adéquat à sa sensibilité. Ce n'est pas la fort répétitive et inutile sonate de Geminiani qui fera oublier la magie de Luca Pianca dans les trois pièces de Giuseppe Antonio Doni données en première partie ; tout au plus, cet intermède instrumental sert-il d'antichambre au « déroulé » final, entre prouesse technique et sens de l'abattage. Effets rocaille et frissons garantis dans un Vo solcando un mar crudele de Vinci, donné a cappella à la demande d'un public à présent déchaîné. L'ombre portée des spirales funambulesques ne s'effacent pas tout à fait dans un Si dolce è'l tormento de Monteverdi qu'on espérait plus terrien et plus diseur, mais on ne reprochera pas à Franco Fagioli de croire à la nostalgie après tant de séjours aériens…

DV