Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Händel de Joyce DiDonato
Christophe Rousset et Les Talens Lyriques

Les Grandes Voix / Salle Pleyel, Paris
- 9 décembre 2008
récital Händel de Joyce DiDonato à la Salle Pleyel (Paris)
© sheila rock

Salué par tous, ce printemps, dans I Capuleti e i Montecchi de Bellini à l'Opéra national de Paris, le mezzo-soprano américain Joyce DiDonato retrouve la scène française pour un récital prometteur qu'elle intitule Furore ! et qui reprend en partie le programme Händel du CD paru récemment chez Virgin Classics. Installant l'écoute dans un grand suspens, c'est pourtant par l'attaque infiniment onctueuse de Dolce riposo (Acte II, Scène 1 de Teseo) qu'elle ouvre le feu, n'en mordant pas le texte, au profit d'un legato envoûtant toujours induit dans un phrasé élégamment porté par une moelleuse rondeur du timbre. Attentif, Christophe Rousset ménage une tonicité plus crue et une dynamique très précise à Ira, sdegni e furore / O stringerò nel sen (Acte II, Scène 6), soulignant remarquablement les alternances de caractères. Joyce DiDonato déploie toute l'agilité de son instrument, agilité qu'elle applique en termes de hauteur, de nuance et d'expressivité. Ainsi, à un aigu divinement filé répond parfois un grave diablement musclé. L'extrême douceur avec laquelle la chanteuse aborde Morirò, ma vendicata (Acte V, Scène1) s'enfle sur les derniers accords de l'introduction orchestrale pour se déchaîner bientôt. Sorge nell'alma mia (Acte II, Scène 3 d'Imeneo) se fait effervescent, avec un da capo dont l'ornementation s'appuie sur la cohérence dramatique plutôt que sur une virtuosité de surface. C'est l'élasticité du souffle qui fait mouche dans Crude furie (Acte III, Scène 11 de Serse), un souffle qu'on jurerait inépuisable.

On s'en souvient : l'artiste tenait le rôle-titre dans Ariodante de Händel au Grand Théâtre de Genève, l'an dernier [lire notre chronique du 11 novembre 2007] ; nnous en gardons un excellent souvenir. Souplement soutenu par les musiciens des Talens Lyriques, Scerza infida (Acte II, Scène 3) contraste l'âpreté de l'intention et nous fait dire que les fées ont généreusement coiffé Joyce DiDonato : elle possède la couleur de timbre, l'agilité, l'aisance de l'émission, une projection évidente, un souffle parfaitement géré, l'intelligence théâtrale, l'expressivité, la musicalité et l'à-propos ; bref : voilà une grande nature, exemplairement menée par une technique éclairée. On retrouve son superbe legato dans Cease, ruler of the day, to rise (Acte II, Scène 6 d’Hercules), tandis que Where shall I fly révèle l'inventivité de ses approches.

Dans les pages strictement instrumentales qui ponctuent la soirée, Christophe Rousset ne se contente pas d'une belle vivacité de ton mais fait preuve de beaucoup d'esprit, ciselant chaque motif tout en favorisant l'avancée de la partition. Ainsi goûtons-nous une ouverture d'Imeneo enthousiaste, une délicate Chaconne d'Il Pastor fido, une Passacaille de Rodrigo à l'équilibre déjà « classique ».

BB