Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Iestyn Davies et Thomas Dunford
Campion, Dowland, Händel, Kapsberger, Purcell, etc.

Festival de Saint-Denis / Légion d’Honneur, Chapelle
- 17 juin 2017
l'excellent contre-ténor Iestyn Davies, en récital avec Thomas Dunford au luth
© benjamin ealovega

Si toujours nous avons entendu le contre-ténor britannique Iestyn Davies dans la musique d’Händel, c’est un programme de songs qu’il donne ce soir à la chapelle de la Légion d’Honneur, dans le cadre du Festival de Saint-Denis (notons, au passage, que cette édition 2017 ouvre trois années où l’événement fêtera ses cinquante ans). Loin des fastueuses rodomontades lyriques, nous le retrouvons dans un répertoire intimiste qu’il sert d’une sensibilité concentrée.

À plusieurs reprises nous avons pu apprécier l’art de Thomas Dunford, jeune luthiste et théorbiste auquel ont recours de nombreux ensembles baroques, parmi lesquels la Cappella Mediterranea, Le Vaisseau d’or ou encore le Collegium Vocale de Gand [lire notre chronique du 29 novembre 2016]. L’an dernier, nous l’applaudissions dans une sélection d’air français du XVIIe siècle où il accompagnait le jeune mezzo-soprano Anna Reinhold [lire notre chronique du 6 mars 2016]. Aujourd’hui, traversant la Manche, ses cordes soutiendront celles du chanteur dans un menu principalement anglais, ponctué de pages en solo importées d’Italie, signées Joan Ambrosio Dalza, Johann Hieronymus Kapsberger et Robert de Visée.

D’emblée, la voix, pure, avec ses attaques d’une confondante précision dans Behold a wonder here de John Dowland qui, sans effort, dit en grande sérénité le don de l’amour. Croisant airs de lamentation, tel In darkness le me dwell, dont on admire la tendresse exquise de l’inflexion et le très mélancolique Flow, my tears, fall from your springs, des soli de luth, comme ce Praeludium qui aspire l’écoute ou Fortune, calmeGaillarde ancienne sur un bourdon, à des complaintes plus volubiles (Can she excuse my wrongs), c’est un véritable petit florilège Dowland qui nous est offert, pour commencer. Grand souffle, parfaitement contrôlé, de même qu’un impact idéal autorisent une expressivité évidente, sans démonstration, au cœur du texte. Après Never weather-beaten saile de Thomas Campion, nous goûtons deux extraits de la Suite en la mineur de Visée. Quittons alors les premières années du XVIIe siècle pour son dernier tiers, avec Strike the viol et l’étonnant adieu à la vie, An evening hymn, d’Henry Purcell, dont l’Hallelujah mélismatique conclut dans une joyeuse douceur la première partie de soirée.

Du Caro Sassone, Iestyn Dvavies emprunte au Saul de 1738, oratorio dans lequel il marquait le public du Glyndebourne Festival [lire notre critique du DVD]. D’abord surpris que le seul luth rassemble les ingrédients instrumentaux – mais bien des arie belcantistes voient leurs cabalettes orchestrales résumées par un piano, en situation de récital… –, on entre vite dans la prière Oh Lord whose mercies numberless et dans l’apologétique Brave Jonathan. L’écriture vocale très ornée d’Händel sied parfaitement au contre-ténor, ainsi qu’en témoignaient déjà ses interventions dans Messiah et Belshazzar [lire nos chroniques du 26 juin et du 18 décembre 2012]. La dextérité bluffante de Thomas Dunford est à l’œuvre dans la sixième Toccata de Kapsberger puis dans la brillante ritournelle de Dalza (Calata). Deux opus ô combien fréquentés, maintenant : O Solitude puis Music for a while de Purcell, séparés par le luth de Dowland. L’exactitude des modulations vocales amène au premier l’émotion quand la souple suavité du chant magnifie le second. Ce fort beau rendez-vous avait commencé par un florilège Dowland, disions-nous : c’est lui qui en referme le livre, avec le dolent I saw my lady weep et l’ensorcelant Come again.

BB