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Chroniques
récital Ismaël Margain
œuvres de Chabrier, Chausson et Debussy
Pour être une institution majeure dans la peinture du XIXe siècle, le Musée d’Orsay, comme les autres grandes institutions muséales de Paris, n'en cultive pas moins une pluridisciplinarité au diapason de ses accrochages, assumée entre autres avec son Auditorium, qui rend un hommage vivant aux correspondances chères à Baudelaire. C'est dans ce sens qu'Ismaël Margain a peigné son récital à l'heure du déjeuner, dans le cadre de l'expositionDegas, danse, dessin, tissée autour de l'ouvrage éponyme que Valéry consacrait au pinceau des danseuses, petits rats de l'Opéra, et autres pastels du mouvement. Car les trois compositeurs réunis (Chabrier, Chausson et Debussy) appréciaient, sinon fréquentaient Degas : plus qu'à une banale illustration de l’effervescence artistique à l'heure de la France impressionniste et symboliste, c'est à un daguerréotype imaginaire d'un salon de sensibilités apparentées que nous sommes invités, avec, pour compagnon de noir et d'ivoire, un Gaveau 1907 que Debussy aurait pu rencontrer.
Avant de s'attabler, le soliste français décrit la singularité de l'instrument, avec ses sonorités boisées, plus claires et déliées que les standards Steinway des salles de concert, et que Debussy affectionnait particulièrement, au point de ne jurer que par la maison parisienne. Cette idiosyncrasie sert admirablement la Pavane n°3 de Chausson, tirée des Quelques danses Op.26. L'esthétisation de l'antique, jamais figée dans le pastiche, dévoile la souplesse d'un toucher qui s'épanouit dans les trois pièces de Chabrier, extraites des Dix pièces pittoresques D39. Idylle chatoie de couleurs et de fluidité, non sans quelque accent de facétie tendre, perceptible également dans les frémissements du Sous-bois. La dynamique finesse du dessin et de l'articulation se confirme dans un Scherzo-valse décalant avec saveurs les codes, comme le génie de Chabrier sait le faire de manière inimitable, et auquel Ismaël Margain donne une tribune élégante et naturelle.
L'Interlude n°2 duPoème de l'amour et de la mer Op.19 de Chausson sert à filer vers Debussy et ses Images, Livre I, FL 105. L'intelligente économie des effets restitue les translucidités harmoniques des Reflets dans l'eau, jouant d'une matière sonore évocatrice sans l'abîmer dans le stéréotype. L'Hommage à Rameau affirme une songerie noble que vient balayer l'impatience calibrée du Mouvement. L'isle joyeuse, FL 109 referme le récital sur un camaïeu émerveillé, qui sait ce qu'il doit à un piano, partenaire intime d'époque, n’ayant pas besoin de grands discours sur l'authentique pour faire affleurer son identité. L’artiste s'en fait le relais, par affinités électives.
GC