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Chroniques
récital Ivan Ilić
œuvres de Beethoven, Brahms, Chopin, Schubert et Schumann
En collaboration avec le Centre Historique des Archives Nationales et à l'occasion du premier concert de sa saison, l'association Jeunes Talents invite ce soir Ivan Ilić, jeune pianiste étatsunien d'origine yougoslave. De son récital entièrement consacré à la musique romantique, l’on est particulièrement sensible au grand respect des lignes mélodiques.
Les Romances en fa # majeur Op.28 n°2 et en sol mineur Op.21 n°3 de Robert et Clara Schumann, soutenues d'une main gauche discrètement présente, se voient bellement servies par une main droite chantante. Nous nous souviendrons surtout d'une étonnante interprétation des Intermezzi Op.117 n°1 et n°2 de Johannes Brahms, tous deux habités d'une fort belle qualité expressive, presque debussyste. Des Variations Op.35 Eroica de Ludwig van Beethoven, retenons, plus qu'un début peu inspiré et peut-être trop prudent, l'humour réel des variations de la fin du premier mouvement (l'ensemble étant construit quasi una sonata), les miniatures délicatement exécutées du second, et l'élégant fugato du troisième. Le jeu se fait alors plus incisif, sans pour autant perdre de ses qualités mélodiques. Cela dit, il y plane on ne sait quoi de sage.
Ainsi du Scherzo en si bémol mineur Op.31 n°2 de Fryderyk Chopin, sans réelle profondeur, quoique servi par une indéniable qualité pianistique – très belle dynamique, notamment. À se trouver un rien trop marquée, la régularité accentuelle des traits mélodiques pourrait parfois donner à la phrase des allures de rengaine, n'étaient les avantages que l'on a mentionnés.
De cela, l'Impromptu en fa mineur D.935 (Op.142 n°4) de Franz Schubert souffre en particulier. Le pianiste paraît y rechercher une mélodie qui se dérobe en interminables ponts perlés entre les quelques tronçons clairement lyriques de la forme Lied – tout le danger de l'interprétation demeure précisément de traiter ces ponts comme des transitions plutôt qu’en tant qu’éléments d'une matière mélodique plus ou moins disloquée pour laquelle une respiration particulière du jeu est à inventer.
Un concert en demi-teinte, donc, qui appelle une suite dans quelques années, le temps que se mature une approche qui, sans être scolaire et malgré bien des atouts, manque encore de charpente. Cela dit, à la décharge d’Ivan Ilić, on regrettera qu'à son art n'ait été offert qu'un très décevant quart de queue Yamaha dont la mécanique, vraisemblablement mal réglée, peu égaliser peut-être, n'était guère en mesure de lui rendre justice.
MD