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Chroniques
récital Kiri Te Kanawa
Berlioz, Duparc, Mozart, Poulenc, Strauss et Vivaldi
Rarement le mot « chronique »acquiert une telle pertinence dans nos pages qu’en cette période estivale où les nombreux festivals présentés ici et là pourraient faire des critiques proposées autant de récits de voyage. Aussi, la seconde quinzaine de juillet paraît-elle au lecteur une sorte de « carnet alpin », puisque après La Meije [lire nos chroniques des 21, 22 et 23 juillet 2005] et Les Arcs [lire notre chronique du 27 juillet 2005], nous voici en Val de Bagnes, côté Suisse, au pied du Mont Gelé où Verbier, célèbre station d’hiver, accueille depuis une douzaine d’années une académie-festival sous la protection de noms prestigieux de la musique.
Pour sa septième soirée de concerts – au pluriel, car le public hésite entre l’événement de 19h au Médran, chapiteau blanc surplombant les précipices, celui de 20h à l’Église, les couche-tard pouvant encore aller applaudir les jeunes gens de l’UBS Verbier Festival Orchestra, au même endroit, dans un répertoire chambriste –, la montagne reçoit Dame Kiri Te Kanawa dont le récital s’ouvre par trois arie empruntées au catalogue vivaldien : Vedrò con moi diletto extrait d’Il Giustino, Io son quel gelsomino de Arsilda, Regina di Ponto, et Sposa son disprezzata de Bajazet.
Si l’on a du mal à retrouver la maîtrise de cette grande artiste dans l’agilité convoquée par l’écriture de Vivaldi, elle convainc par l’extrême musicalité qui aborde quatre Lieder de Mozart. Saluons particulièrement le beau legatissimo offert à Abendempfindung K523, qualité également au rendez-vous des quatre Strauss suivants. Chaque mot trouve son sens dans une interprétation sensible de Die Nacht, tandis que Cäcilie révèle la plénitude d’un timbre resté discret jusqu’alors.
Le soprano a choisi de donner une seconde partie exclusivement française, avec trois extraits des Nuits d’été de Berlioz dont elle colore gentiment la Villanelle et apporte une expressivité troublante au Spectre de la Rose. Avec une souplesse exquise, Kiri Te Kanawa dit délicieusement Voyage à Paris et Hôtel de Poulenc, prenant toutefois des libertés malencontreusement avec Les chemins de l’amour – cette inimittable « gouaille » dans laquelle les artistes non francophones se noient, peut-être. Pour finir, elle prête à trois mélodies de Duparc le savoir-faire d’une belle carrière, notamment dans La vie antérieure, élevée vers une somptueuse méditation.
Remerciant un auditoire enchanté, la diva puise chez Puccini et Strauss (toujours) la matière de deux bis. Une voix, c’est une vie : elle ne change pas mais évolue, gagnant ceci, perdant cela. Aujourd’hui, Dame Kiri Te Kanawa ne prétend guère dignement servir les choses rapides et légères, mais respire admirablement un lyrisme moins ornemental qui aurait avantageusement pu occuper à lui seul le programme entier de ce récital.
BB