Chroniques

par irma foletti

récital Léa Desandre et Thomas Dunford
Ambruis, Charpentier, Lambert, Le Camus, Visée, etc.

Festival d’Aix-en-Provence / Cour de l’Hôtel Maynier d’Oppède
- 8 juillet 2019
Le premier baroque français, par Léa Desandre et Thomas Dunfor
© dr

Ancienne artiste de l’Académie, Léa Desandre a participé, ensuite, au Festival d’Aix-en-Provence proprement dit – on se souvient de sa présence au Grand Théâtre de Provence dans Zoroastre de Rameau donné en version de concert lors de l’édition 2016, et surtout d’Erismena de Cavalli qui avait marqué les esprits l’année suivante au Théâtre du Jeu de Paume [lire notre chronique du 9 juillet 2017]. Son partenaire Thomas Dunford n’est plus à présenter : luthiste émérite, théorbiste, guitariste baroque, il joue du théorbe, ce soir. Malgré son jeune âge (tout juste la trentaine), il a déjà accompagné les plus grandes chanteuses – Anne-Sophie von Otter, Patricia Petibon, Sandrine Piau… – et fut placé sous les plus grandes direction, dont celle de William Christie [lire nos chroniques du 17 juin 2017 et du 7 mars 2018]. Les deux artistes se sont produits ensemble, ces deux dernières années, et le programme du soir est le fruit de ce travail commun, un « répertoire français qui traverse toutes les époques ».

La soirée démarre avec un air de Michel Lambert (1610-1696), Ma bergère est tendre et fidèle, puis enchaîne avec une gavotte de Robert de Visée (1650-1725), compositeur, nous rappelle Thomas Dunford, qui tenait la position de luthiste de Louis XIV et était souvent amené à interpréter de nombreux airs en extérieur, comme ce soir dans la chaleur aixoise. Dans Fauré qui suit (Les berceaux) puis Charpentier (Celle qui fait tout mon tourment), l’équilibre est subtil entre le son ténu du théorbe et le doux timbre de la chanteuse, capable aussi, par moments, d’enfler certaines notes. On apprécie également l’articulation très appliquée du texte. On n’entend rien dans ce bocage de Sébastien Le Camus (c.1610-1677) est une très jolie mélodie, chantée de façon baroque avec quelques sons fixes, et, un peu plus tard, Le doux silence de nos bois d’Honoré d’Ambruis forme un air fleuri et sautillant, bien exécuté grâce à la grande souplesse de l’instrument vocal. L’accompagnement par le théorbe du plus connu À Chloris de Reynaldo Hahn est une pure merveille, la ligne vocale étant conduite sur un souffle.

Marc-Antoine Charpentier revient plusieurs fois – Auprès du feu, Tristes déserts, sombre retraite, Sans frayeur dans ce bois – et l’opéra fait une petite incursion avec un extrait de Pelléas et Mélisande, un Debussy là encore magnifié par l’accompagnement instrumental. J’ai deux amants d’André Messager n’est pas le moment le plus réussi du concert, on lui préfère les deux petits bijoux de tristesse exprimés par Ombre de mon amant et Vos mépris de Lambert qui concluent le programme. Précédemment, une corde du théorbe casse pendant un passage de De Visée, apparemment « la première fois depuis la cinquantaine de concerts faits ensemble ». En bis, la chanteuse franco-italienne montre à nouveau son éclectisme : elle propose d’abord un hommage aux arbres de la cour de l’Hôtel Maynier d’Oppède, Ombra mai fu extrait de Serse d’Händel tout en délicatesse, puis interprète la chanson de Barbara, Dis, quand reviendras-tu ?. Le public, heureux, fredonne…

IF