Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Laurent Korcia

Théâtre du Châtelet, Paris
- 2 mars 2003
Andres Reynaga photographie le violoniste Laurent Korcia
© andres reynaga

Dans le cadre des Concerts du Dimanche Matin, le Théâtre Musical de Paris abrite aujourd’hui un fort beau concert, réunissant le violoniste Laurent Korcia et la pianiste Claire-Marie Le Guay autour d’un programme nettement tzigane.

Pour commencer, nous entendrons la Sonate en la mineur Op.25 n°3 « Dans le caractère populaire roumain » de George Enesco. C’est débuter en douceur, avec une entrée en matière assez énigmatique, un Moderato malinconico aéré suivi d’un fort doux Andante dont les premiers pas s’obstinent sur un si au piano et développent une arabesque questionneuse au violon, s’achevant par un mouvement brillant, parfois même violent. Laurent Korcia joue cette œuvre régulièrement, toujours en distillant un son d’une délicatesse extrême, souvent à la périphérie, un peu frotté, chatouillé pourrait-on dire, entretenant une certaine précarité propre au jeu populaire, discret et virtuose mine de rien. On eut par le passé loisir de l’y entendre accompagné par Georges Pludermacher qui s’y montrait un peu lourd, peut-être rigide, et par Dana Ciocarlie, cet été à Montpellier, qui entretenait plus de mystère. Claire-Marie Le Guay propose ce matin une lecture d’une précision irréprochable, un brin plus mesurée que celle de Ciocarlie, dans une finesse sonore appréciable. Si l’on n’était pas loin de Bartók avec Pludermacher, on s’approcherait aujourd’hui plutôt de Debussy.

Laurent Korcia poursuit son avec la Tzigane de Ravel dont on sait la difficulté technique et expressive. Grand solo de départ quelque peu décousu, il faut bien le dire, avec des accidents de justesse trop fréquents. Dès l’entrée du piano, les choses vont mieux. Claire-Marie Le Guay impose une mesure enfin cadrée, en parfait accord avec le style du compositeur. Nous avions entendu cette pièce vendredi ici même aux Midis Musicaux et Ravel n’était pas au rendez-vous ; cette fois, il est bien là. C’est pianistique tout en laissant entendre certains traits de l’orchestration de cette page. La pianiste a gravé il y a peu une version remarquable de la version pour piano de Daphnis et Chloé ; elle en porte encore les heureux stigmates.

Pour terminer, ils donnent trois Danses hongroises de Brahms transcrites par Joseph Joachim (les n°1, 2 et 4), intercalant avant la dernière une version pour violon et piano de la déchirante Danse slaveen mi mineur Op.72 n°2 d’Antonín Dvořák, interprétée avec une saisissante tendresse triste.

BB