Recherche
Chroniques
récital Lucas Debargue
Johann Sebastian Bach, Lucas Debargue, Stéphane Delplace et Domenico Scarlatti
Voici de ces récitals qui déconcertent… Avec autour de Scarlatti, titre de son programme, Lucas Debargue défie l’opinion très favorable que jusqu’à lors on avait de lui. Passés la surprise, assez mauvaise, le désarroi et même un agacement qui menace de croître vers la colère, encore faut-il tâcher de comprendre ce que l’on vient d’entendre au Festival International de Piano de La Roque d'Anthéron.
Tout d’abord, un Concerto nach Italienischem Gusto BWV 971 de Johann Sebastian Bach des plus inhabituels. L’Allegro est entamé sans rigidité aucune, qui plus est avec des ajouts ornementaux bien venus. Moelleux et souplesse caractérisent cette ouverture parfois déviée, cependant, par une nervosité non maîtrisée. Sans lambiner, l’interprète avance l’Andante, bientôt dans une conception rythmique percluse de rubato. Refusant obstinément de faire chanter sa main gauche, Debargue accorde une importance démesurée à la dentelle du Presto qu’il affuble d’une chaloupe jazzy relativement irritante. À l’inverse, la Sonate en ré mineur K.32 de Domenico Scarlatti bénéficie d’un abord nettement plus probant. Sans pédaliser, le pianiste lui offre un lustre digne où sourd une mélancolie discrète.
Survient alors Septem Perpetuum en ré mineur de Stéphane Delplace… outre une écriture néotonale éculée, ce moment révèle le goût personnel du musicien. Après la Sonate en sol majeur K.14 du Napolitain de Madrid, jouée dans une fluidité plus que gracieuse, nous découvrons le Prélude et fugue en sol mineur de Debargue lui-même, Dies irae post-scriabinien de cinéma sentimentalo-kitsch bluesifié. Ceci explique cela… l’artiste se réalise dans une esthétique qui nous indiffère, sauf à accueillir une sorte de populisme en musique qui incommode grandement. Dès lors, à remarquer le soin subtil mis à l’œuvre dans les sonates de Scarlatti, le peu d’intérêt des opus de Delplace et l’élucubration répétitive de ses propres pages, on s’interroge sur la finalité d’un tel concert.
Avec le recul, il semble que Lucas Debargue aspire ardemment à ce moment où le public se déplacera pour n’entendre que ses propres compositions, sans avoir à justifier leur présence au menu par celle d’un de ses aînés dans l’easy-listening classique ni prendre quelque baroque génial pour prétexte. Cette aspiration est certes légitime mais en attendant, les choses ne sont pas présentées de cette façon, de sorte qu’on évitera dorénavant de perdre son temps à de tels raouts. Oublions, c’est mieux, et chérissons la rude averse de 21h40 qui, par la force de l’eau, nous libérait du pire.
BB