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Chroniques
récital Max Emanuel Cencic
I Barocchisti, Diego Fasolis
Depuis maintenant un peu plus d’un an, Max Emanuel Cencic défend avec ferveur un timbre rare pour les contre ténors, celui de mezzo-soprano. Ainsi a-t-il pu envisager une nouvelle carrière avec des rôles plus riches et exigeants. Sans déclaration fracassante, il nous offre un autre regard sur l’art vocal des castrats au XVIIIe siècle : celui de l’émotion.
Après deux disques splendides, dont la redécouverte d’un opéra oublié de Händel, Faramondo [lire notre chronique du 8 mars 2009], et un disque de récital, intitulé tout simplement Mezzo soprano, associé à une première tournée, il nous revient en concert avec un nouveau programme autour du même thème. Moins de Händel, plus de Vivaldi et, surtout, une rareté, deux extraits d’une pastorale de Tomaso Albinoni : Il Nascimento dell’Aurora.
Si, du deuxième balcon où nous étions, la voix parvint parfois faiblement, la grande maîtrise technique de l’artiste, faite de délicatesse et de sensibilité, permit malgré tout d’apprécier une palette expressive des plus riches. Les aigus sont clairs et les graves au velours soyeux sont un enchantement, tout particulièrement dans les airs tendres. C’est dans l’un de ceux-ci que Max Emanuel Cencic bouleverse le plus, tant la timidité qui émane de lui - une sorte de fragilité poétique - lui permet de faire ressentir à fleur de peau cette lumière, caresse douce de l’aurore, dans l’air d’Apollon Con Cetra più sonora d’Albinoni. A l’accompagner en un élégant dialogue, le théorbe de Michele Pasotti devient la harpe divine du dieu de la musique et de la poésie.
Pour son récital, le chanteur n’a jamais choisi la facilité. Il prend de véritables risques, non seulement en sélectionnant des airs de Vivaldi le mal aimé, mais aussi en augmentant les difficultés tout au long du récital. Après quatre bis, il le termine avec panache par un air du Prete Rosso, techniquement à l’extrême limite de ses possibilités, extrait de Farnace. En faisant de sa fragilité un atout, il parvient à communiquer toute l’épouvante et la froideur des ténèbres, à la limite d’un cri grave et profond, d’une larme sans fin, sans jamais faillir sur ces notes amères qui servent l’expression ultime des affects.
Peu d’artistes font taire les tousseurs du TCE ; Max Emanuel Cencic est de ceux-là. Sous la direction complice, corsée, précise et dynamique de Diego Fasolis, l’ensemble I Barocchisti le soutient de flamboyante manière.
MP