Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Philippe Giusiano
œuvres d’Andrejevas, Chopin, Rachmaninov et Scriabine

Serres d'Auteuil, Paris
- 22 juin 2007
le pianiste Philippe Giusiano en récital aux Serres d'Auteuil (Paris)
© vincent garnier

Trois ans plus tard, Philippe Giusiano retrouve la Pavillon des Azalées pour un récital qu’ouvrent les Études-Tableaux Op.33 de Sergueï Rachmaninov. Au thème pudiquement chanté de l’Étude n°1, avec ses motifs tendrement colorés, absolument symbolistes, malgré une approche un rien nerveuse qui rend parfois brutale la main gauche, succède un Allegro noir et puissant. Dans un jeu relativement terne et un contrôle paralysant, la Troisième convainc moins, de même que la Quatrième, un peu étroite de vue, qui use d’une pédalisation mal dosée. La belle conduite de la nuance l’Étude n°5 retient l’écoute, la lecture prenant soudain de la hauteur dans la Sixième pour culminer dans le Moderato, souverainement poétique. L’ultime épisode finit d’installer le pianiste et emporte les suffrages.

De la Fantaisie-Sonate Op.19 d’Alexandre Scriabine, Philippe Giusiano donne une interprétation autrement inspirée qui prend des risques expressifs rares. L’Andante initial nous emmène, tandis que bouleverse le Presto, si proche à sa manière de l’énigmatique mouvement final de la Sonateen si mineur de Chopin. Après avoir donné Lemtis de Julius Andrejevas ici-même [lire notre chronique du 29 août 2004], le pianiste se fait une nouvelle fois l’ambassadeur de la musique de ce compositeur lituanien dont il fait entendre aujourd’hui An Engraving, une pièce de 1990 articulée en obstination d’ostinati, si l’on peut dire.

S’il se trouve à son aise dans Scriabine, il semble bien que l’artiste « rentre à la maison » lorsqu’il joue Chopin ! Rien d’étonnant si l’on se souvient de sa victoire au Concours de Varsovie, il y a douze ans. Pourtant, quelques-uns de ses confrères, pour dévoués au Polonais qu’ils s’affirmèrent en leurs débuts, n’eurent cure d’en approfondir l’étude tout au long de leur carrière, une fois l’épreuve oubliée. Après deux disques Chopin (Études, Impromptus, etc. pour l’un ; Sonate Op.58 et Préludes pour l’autre) parus chez Alphée, puis un troisième, tout récent (Préludes et Études, chez Mirare), c’est une approche renouvelée, voire réinventée, qu’en offre aujourd’hui Philippe Giusiano. Il conduit le Nocturne Op.32 n°2 en maître et impose un Scherzo Op.31 n°2 leste et contrasté, infiniment sensible, dont la fluidité vocale laisse pantois.

BB