Recherche
Chroniques
récital Renée Fleming, accompagnée par Hartmut Höll
Brahms, Canteloube, Fauré, Kornauth, Massenet, Saint-Saëns, Straus et Strauss
Elle a beau avoir fait ses adieux scéniques en Maréchale au Met’ en mai dernier dans un Rosenkavalier réglé par Carsen, Renée Fleming n'entend pas déserter les planches. Le récital constitue un format idéal pour une diva qui lie le raffinement de la vêture à celui de la voix. Le rendez-vous qu'elle donne au Théâtre des Champs-Élysées en ce début d'automne ne fera pas mentir l'axiome. On apprend d'ailleurs, par une ligne au bas d'une des pages du feuillet de la soirée, que les robes du présent concert ont été « fournies » par Vivienne Westwood et les bijoux « par Ann Ziff pour Tamsen Z ».
Quoique contenu dans une temporalité à peu près homogène, à cheval sur les deux rives du Rhin, entre milieu du XIXe siècle et début du XXe, le programme a davantage l'allure d'un buffet que d'un menu. Les sept Lieder de Brahms qui ouvrent les festivités témoignent d'affinités relativement perfectibles avec cet avatar du romantisme allemand. Tiré de Fünf Lieder Op.106, Ständchen prélude à la fluide rêverie de Die Mainacht, puisé dans les Vier Gesänge Op.43, avant un autre songe nocturne, Mondnacht WoO 21, sur un texte d'Eichendorff. Des Deutsche Volkslieder WoO 33, Da unten im Tale, est suivi par Meine Liebe ist grün (Neun Lieder und Gesänge Op.63). Après le dodelinement de la berceuse Wiegenlied, des Fünf Lieder Op.49, la Vergebliches Ständchen, extraite des Fünf Romanzen und Lieder Op.84, exhale une théâtralité sentimentale irrésistiblement minaudée, accompagnée par la constance jamais démentie du piano d'Hartmut Höll.
Enjambant la frontière linguistique, notre hôte confirme son goût pour les évanescences surmûries avec une héroïne de Massenet (et Anatole France) qu'elle a contribué à remettre à l'honneur. C'est Thaïs, l'idole fragile rappelle cette intime connaissance du rôle. L'intégrité de la diction reviendra progressivement avec les deux pièces de Fauré, Mandoline, du recueil des Cinq mélodies de Venise Op.58, et Clair de lune Op.46 n°2, également sur un poème de Verlaine. Ce sont les mots d’Hugo qui résonnent dans la Soirée en mer, une des Vingt mélodies et duos de Saint-Saëns. En symbiose avec le clavier, le soprano exhume admirablement l'inspiration subtile d'un corpus injustement négligé – l'un des climax de la soirée. L'une des Trois Valses d'Oscar Straus referme la première partie sur un ton de badinerie un rien sophistiquée, sinon mondaine.
Après bar et bavardages d'entracte, le pittoresque de deux des Chants d'Auvergne de Canteloube, Malurous qu'o uno fenno et Baïlèro, vaut d'abord pour sa patine sonore peut-être passablement indifférente au sens. Avec quatre des Sechs Lieder nach Eichendorff Op.37 d'Egon Kornauth (1891-1959), contemporain de Korngold, Renée Fleming amarre dans l'un de ses répertoires de prédilection, le postromantisme germanique, où le double-crème de son timbre, encensé par Solti, se glisse à merveille. On ne nierait pas de vagues échos de Schumann dans Lockung, tandis que Treue plonge dans l'onirisme qui trouve en Nachklänge et Waldeinsamkeit d'autres variantes. Ce sont enfin trois monologues du début de l'acte unique d'Ariadne auf Naxos de Richard Strauss (Wo war ich? Tot?, Ein Schönes war, hiess Theseus-Ariadne et Es gibt ein Reich) qui referment le spicilège, où le lyrisme évocateur excède les limites de la réduction pianistique. En bis, l'invocation à la lune du Rusalka de Dvořák réveille d'autres souvenirs des fidèles mélomanes.
GC