Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Vadim Repin
œuvres de Beethoven, Debussy et Stravinsky

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 20 octobre 2008
avec Itamar Golan, le violiniste russe Vadim Repin en récital à Paris
© kasskara | deutsche grammpohon

Avec sa première partie moderne et une longue sonate classique pour finir, voilà un récital qui du grand violoniste russe promettait de montrer plusieurs facettes. Aussi paradoxal que cela pourra sembler, c’est pourtant la seconde partie de la soirée qui paraît « moderne ». C’est dans une approche très personnelle que Vadim Repin et Itamar Golan livrent l’Opus 47 à Kreutzer de Beethoven, taillé avec une précision sculpturale dans un marbre capricieusement veiné. Infaillible, le violoniste cisèle les moindres raffinements de l’œuvre, avec la complicité d’un pianiste d’une exactitude démoniaque. Sans s’égarer dans des recherches anachroniques de sonorités savantes, les artistes révèlent cependant tout ce qui propulse Beethoven vers des temps qu’il ne connut pas. Il y a quelque chose de Rodin dans l’Adagio sostenuto. À l’extrême élégance des vocalises du violon répond une rondeur d’articulation pianistique un rien feutrée, dans les variations. Le Presto final avance toujours plus droit vers la lumière. Au public enthousiaste, les musiciens offrent quelques trois bis sympathiquement ornementaux.

La comparaison lue plus haut vaudra pour l’exécution de la Sonate de Debussy qui ouvrait le programme. Il conviendra d’en nuancer le rendu par l’évocation de courbes plus souples. Déjà Itamar Golan surprenait par la différentiation résolument précise des frappes choisies, dans une scrupuleuse fidélité aux indications de la partition et même à ce que les contradictions (en apparence) debussystes peuvent laisser supposer. L’Allegro s’imposait par l’inflexion toujours infiniment tendre du violon, un violon qui sut, au besoin, imiter la flûte japonaise ! L’Intermède survola des harmoniques d’une rare perfection, quoique les développements plus lyriques eussent rencontré quelques approximations de l’archet qui nous laissaient présager d’une petite forme, bien vite démentie. Tout en contrastant vigoureusement le Finale, le piano usa d’une pédalisation intelligente et sensible qui mâtinait la verve symboliste au souvenir romantique, tandis que Vadim Repin portait plus haut encore le mouvement et toute la sonate dans un moelleux incroyablement égal.

De l’interprétation du Divertimento de Stravinsky, transcrit pour violon et piano par son ami Dushkin en 1932, auront marqué l’absolue précision des doubles-cordes, la coloration ingénieuse du piano, alliée au soin particulier de la dynamique, ici rendue quasiment orchestrale (surtout dans le mouvement introductif), l’hommage constant à Tchaïkovski, la promenade à deux dans une expressivité inépuisable, jusqu’au robuste accordéon qui précède les apartés néoclassiques, aux airs enfantins. Quel panache !

BB