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Chroniques
récital Varvara Ivanova
...et de virtuosité…
C’est à un programme étonnamment copieux que convie la Chapelle Saint Martin du Méjan, samedi soir, donné par la jeune harpiste russe Varvara Ivanova. Dès les premières mesures de la Chaconne de Bach (transcrite par Owens), l’oreille est saisie par l’opulence de la sonorité, l’artiste livrant dans un grand style une exécution à l’articulation majestueuse dotée d’un exemplaire travail de dynamique. Dans la Valse en fa mineur de Chopin qu’elle-même à transcrite, la musicienne affirme une même pâte à l’impact assurément généreux impact. Elle se révèle cependant plus convaincante dans son adaptation de Jeux d’eau de Ravel où elle fait miroiter nuances et couleurs dans une respiration tout à fait naturelle.
Car la question se pose trop vite : Varvara Ivanova s’adonne-t-elle à un impressionnant numéro de virtuosité ou cherche-t-elle à faire de la musique ? Sa version de la Rhapsodie hongroise n°5 de Liszt laisse planer le doute… Certes, c’est brillant, « ça en jette », même, mais sans s’intéresser le moins du monde aux possibles analogies harpe/cymbalum, cet instrument qui inspira directement cet aspect du piano de Liszt, ce qui revient presque à passer à côté du sujet. C’est une œuvre originalement écrite pour la harpe que l’instrumentiste choisit en conclusion de la première partie de son récital, la Ballade Op.28 de Carlos Salzédo. Irréprochable techniquement, son interprétation souffre d’une absence de dessin et d’une asphyxie progressive.
Et qu’en est-il du répertoire « harpistique » à proprement parler ? Car enfin, le rendez-vous de ce soir s’est transformé en moment de piano ou d’orchestre ! Certes Walter-Kühne et Mchedelov ont conçu pour la harpe les pièces qui sont données là, mais à partir d’un autre répertoire, une fois de plus. Quant à la Sonate Op.150 d’Ernst Křenek initialement annoncée… la voici aux oubliettes. C’est dans la Fantaisie sur « Eugène Onéguine » de Tchaïkovski d'Ekaterina Walter-Kühne que nous retrouvons donc Varvara Ivanova – là encore une page faisant grand effet, sans plus –, puis dans ses transcriptions de trois extraits du Roméo et Juliette de Prokofiev – dont La séparation des amants convainc grâce à un vrai travail de climat et un phrasé mieux senti –, enfin dans les Variations sur un thème de Paganini du soviétique Mikhaïl Mchedelov (ce même thème qui inspira Brahms, Rachmaninov, etc.) qui révèlent le jeu comme un matériel de première catégorie dont la harpiste semble ne savoir que faire. Grande technique, endurance à toute épreuve, comme le prouve ce programme chargé qui ne parvient pas à l’épuiser, virtuosité prodigieuse et puissance jamais prise en faute : tout cela est fort bien… et pourtant ! Varvara Ivanova n’a pas vingt ans, sachons donc l’attendre.
BB