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Chroniques
récital Vesselina Kasarova
œuvres de Brahms, Rachmaninov, Schumann et Tchaïkovski
La carrière internationale de Vesselina Kasarova démarre il y a vingt ans de cela, lorsque la chanteuse quitte la troupe de l’Opéra national de Sofia pour l’ensemble de l’Opéra de Zurich. Elle y aborde les grands rôles du répertoire, puis tout se précipite : en 1989, elle gagne le premier prix du concours Neue Stimmen de Gütersloh ; en 1991, ce sont ses débuts au festival de Salzburg et à l’Opéra de Vienne. Les rôles mozartiens puis rossiniens qu’elle y interprète lui offrent des engagements à Genève, Londres, Barcelone, Chicago, et ses récitals de rencontrer le public de Munich, Dresde, Milan ou encore celui de Strasbourg, comme en 1997 déjà. Aujourd’hui, strictement vêtue de noir et accompagnée par Charles Spencer – partenaire de Christa Ludwig, Marjana Lipovšek, Jessye Norman, etc. –, elle nous entraîne loin de la Méditerranée, pour un programme de lieder suivis de mélodies russes.
« La source fraîche du Lied est viennoise, écrivait Marcel Beaufils en 1956. Sur un versant, Schubert, Wolf, Mahler et Schönberg ; sur l’autre, Schumann, Brahms et de moindres ». Le mezzo bulgare consacre la première partie de soirée aux deux suiveurs, alternant les signatures toutes les trois pièces. De Robert Schumann, Der arme Peter (extrait de Romances et ballades Op.53) donne le ton : les joies et les douleurs qu’il égrène se retrouveront dans Mein Herz ist Schwer (Op.25 n°15), Stille Liebe (Op.35 n°8) et Stille Tränen (Op.35 n°10). Kasarova parie sur la discrétion, la dignité, l’emballement pudique, ce qui nous déstabilise tant ses capacités vocales se plient difficilement à la demi-teinte. Du coup, nuances et émotions musicales sont rares.
Avec Johannes Brahms, de même, quelques faux pas se perçoivent. Dans Junge Lieder I (Op.63 n°5), la chanteuse sort de sa réserve et se laisse porter par la passion. Mais point trop n’en faut : Lerchengesang (Op.70 n°2) oppose un piano recueilli à une gestuelle envahissante et à un allemand pâteux – une langue qu'elle ne maîtrise pas, confierait-elle avant l'unique bis, expliquant par là même ses coups d'œil fréquents au pupitre. En revanche, le velours et le phrasé enchantent dans Von ewiger Liebe (Op.43 n°1), de même que la plainte poignante de Nicht mehr zu dir zu gehn (Op.32 n°2), la rage presque virile – mais à l’aigu raide – de Wenn du nur zuwellen lächelst (Op.57 n°2) et cette sensualité orientalisante de Unbewegte laue Luft (Op.57 n°8), menant à l’exaltation finale.
Les mélodies de Sergeï Rachmaninov et Piotr Tchaïkovski sont mieux défendues. Nous entendons ainsi C’est beau ici (Op.21 n°7), paisible et finement poignant ; Ma belle, ne chante pas devant moi (Op.4 n°4), alliant piano coloré et noblesse d’expression ; Le Rêve (Op.8 n°5), tendre autant que douloureux ; Lilas (Op.21 n°5) tout en rondeur délicate, de même que La Femme du soldat (Op.8 n°4) et Dans le silence de la nuit (Op.4 n°3). De l’aîné, attendrie, Kasarova livre C’était le début du printemps (Op.38 n°2) puis, abattue, Ah, qui brûla d’amour (Op.6 n°6). Débuté dans l’émerveillement, Pourquoi ? (Op.6 n°5) finit par s’endurcir. Berceuse (Op.16 n°1) échappe à la mièvrerie, tandis que Le jour rayonne (Op.47 n°6) nous laisse sur une note enjouée mais rageuse.
LB