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Chroniques
Rameau par Bruno Procopio
Anglebert, Blow, Couperin, Dowland et Lambert par Violaine Cochard
Le Festival de Sablé offre trois concerts par jour, en commençant généralement par la musique de chambre. Comme chaque année, le clavecin est mis à l’honneur, trois rendez-vous lui étant consacrés. Après Bertrand Cuiller dans un récital Bach qui ouvrait la série de ces débuts d’après-midi, nous retrouvons l’instrument vendredi avec le jeune claveciniste brésilien Bruno Procopio [photo] en compagnie de la violiste Emmanuelle Guigues et du flûtiste François Lazarevitch.
Le trio invite à se laisser bercer par ce Rameau (1683-1764) nostalgique et lyrique des Pièces de clavecin en concerts composées en 1741 qui avait alors atteint sa maturité. Un violent orage vient quelque peu perturber le concert, saisissant les musiciens dans leurs discours : sombre rappel du caractère ombrageux du compositeur qui, sous l’apparente candeur dans ces pièces bien connues, dissimule une énergie vive et redoutable. Troublés par les éléments et l’acoustique guère favorable de l’Église Saint Pierre, les musiciens résistent avec élégance et plaisir, livrant un aimable concert, tout de charme et de sourires. Leurs dialogues soulignent les nuances et les couleurs, la grâce de l’instant dans le geste musical. Ils développent avec art la personnalité de chacune des pièces proposées et laissent parler le Dijonnais charmeur.
Le lendemain, en l’Église Saint Jean-Baptiste de La Chapelle d’Aligné, le récital, d’une extrême sensibilité, de Violaine Cochard (clavecin) et Chantal Santon (soprano) précède les trois tout derniers moments de cette édition du festival. Elles proposent des airs de cours français et anglais, jouant sur l’émotion du texte avec une fine musicalité doublée d’un sens du verbe d’une rare intelligence. Apparu à la fin du XVIe siècle, l’air de cour se pratiquait dans des concerts intimes où séduction et mélancolie s’exprimaient avec sensualité. L’ornementation permettait d’y exprimer la théâtralité des affects, la poésie musicale du sentiment. C’est avec lui qu’apparaît le chant soliste.
Piquante, coquette, envoûtante, Chantal Santon [lire notre chronique du 19 juin 2011] possède un timbre mordoré et velouté, idéal dans ce répertoire. Sa voix souple enchante et son phrasé, en français comme en anglais, est délectable. Elle trouve le ton juste et maîtrise parfaitement l’art très particulier du « beau chant ». Dans Ma Bergère est tendre et fidèle, elle nous amuse avec grâce de ces petits riens qui donnent du corps à un texte à l’apparente simplicité. Son ornementation lui permet de varier l’intensité des émotions et son expression scénique s’avère extrêmement fine. Ainsi chaque air possède-t-il son propre caractère et une densité personnelle. The Mad Song de John Blow est pétillant d’ironie coquine tandis que Flow my tears de John Dowland ou l’Ombre de mon amant de Michel Lambert bouleversent par leurs sombres délices.
Elle est accompagnée par une Violaine Cochard à la sensibilité frémissante, déclinant avec rigueur et subtilité la palette des sentiments. Dans les pièces solistes de Couperin et de d’Anglebert, elle se révèle soliste virtuose, espiègle et gracieuse ; son toucher est d’une sensibilité extrême. La complicité amicale des interprètes donne vie à ces instants de secrète confidence qu’entre amis nous aimons partager.
MP