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Chroniques
Renaud Capuçon joue le Concerto Op.35a de Busoni
Orchestre national de France, James Gaffigan
Au commencement, il y a Maurice Maeterlinck, poète et dramaturge symboliste belge dont Pelléas et Mélisande fut créé au Théâtre des Bouffes Parisiens le 17 mai 1893. Cinq ans plus tard, c’est l’Angleterre qui découvre ce drame dont déjà Claude Debussy s’est emparé, en amont de la première de son opéra éponyme (1902, à l’Opéra Comique). À Gabriel Fauré est alors confiée l’écriture de la musique de scène qui vit le jour à Londres avec l’été 1898, au Prince of Wales Theater, dans une orchestration de Charles Koechlin, le signataire n’ayant pas eu le temps d’y pourvoir complètement. Quelques mois passent encore et de cet opus le compositeur tire une suite en quatre mouvements à laquelle Camille Chevillard donne naissance à Paris en 1901, aux Concerts Lamoureux [lire notre critique du CD et notre chronique du 22 novembre 2013].
C’est avec cette suite Pelléas et Mélisande Op.80 de Fauré que James Gaffigan ouvre la soirée, à la tête d’un Orchestre national de France en bonne santé, comme l’a souligné tout récemment notre confrère, à l’occasion d’une autre belle page (plus célèbre, celle-là) de notre répertoire [lire notre chronique du 9 avril 2016]. Le jeune Nord-américain convoque ce que ses cordes ont de plus tendre pour un Prélude doux comme une caresse. Les brèves dentelles de bois sont très joliment mises en avant. L’Andantino de la Fileuse agit comme un charme qui emporte l’auditeur loin de son fauteuil. Le pas n’en est pas fixé, mais au contraire évolue au fil du mouvement, avec beaucoup de vie. La célèbre sicilienne de la Chanson de Mélisande est toute délicatesse, sous un voile de paysage humide, d’une nuance délicieuse. La couleur des mesures liminaires de La mort de Mélisande est celle d’un orgue. L’harmonie prend un pas wagnérien que l’interprétation n’accentue pas. Des applaudissements recueillis accueillent cette dernière méditation.
Lorsqu’à trente ans il écrit son Concerto pour violon Op.35a, Ferruccio Busoni est déjà très connu. Ce virtuose du piano, enfant-compositeur, inscrit son œuvre dans le prolongement de la tradition. Cette œuvre rare de 1896 est donnée ce soir par Renaud Capuçon. Les trois flûtes, les hautbois, bassons et clarinettes chantent leur mélodie d’accords dans un Allegro moderato sagement articulé. Le violon solo vient l’animer, mais sans lumière. Notre soliste manque d’élan et de brio. La sécheresse et l’étroitesse du son contraignent l’orchestre à une lecture trop prudente. La danse ne masque qu’à peine des doubles-cordes mal dégrossies qui ne font pas illusion. On garde de l’enregistrement de Frank Peter Zimmermann, avec la RAI et John Storgårds, un souvenir plus solaire, et de celui de Tanja Becker-Bender, avec Garry Walker au pupitre du BBC Scottish Symphony Orchestra, des couleurs beaucoup plus riches. N’insistons pas : cette version ennuie prodigieusement.
Plus que tout soucieux de construire sur la tradition, Johannes Brahms, dont Busoni respecta l’héritage, concevait sa Symphonie Op.73 n°2 dans la même tonalité que le concerto précédemment entendu : ré majeur. La clarté de l’approche de Gaffigan [photo] surprend immédiatement. C’est plutôt bien vu, pour ce qui est de l’intelligibilité générale, mais l’élan manque globalement d’éclat. Bravo pour le détail, certes, mais ce n’est pas suffisant. Après un terne Allegro non troppo, l’Adagio reste plat. Rien qui vaille qu’on poursuive ce qui s’apparenterait à un fastidieux passage en revue… rien non plus de déshonorant, toutefois. C’est Fauré que James Gaffigan aura le mieux servi, cette fois.
HK