Chroniques

par bertrand bolognesi

Requiem de Cazzati et Passion de Perti

Festival de Sablé / St-Louis du Prytanée de La Flèche, Église de Brûlon
- 25 et 28 août 2004
concert baroque au Prytanée de La Flèche, photographié par Bertrand Bolognesi
© bertrand bolognesi

Depuis un bon quart de siècle, la ville de Sablé-sur-Sarthe s'orne tous les étés d'un festival entièrement consacré à la musique baroque. Les grandes formations spécialisées dans ce répertoire se produisent régulièrement dans ce cadre qui n'oublie cependant pas d'accueillir des musiciens moins connus du grand public. Nous aurons loisir de vous en parler dans trois prochains articles qui, avec celui-ci, constitueront une sorte dejournal de l'édition 2004.

Outre que les prétextes sont religieux et que les compositeurs sont italiens, c'est avant tout leur appartenance à la fameuse École de Bologne qui rassemble Cazzati et Perti sur cette page. L'aîné, Maurizio Cazzati, est né dans les Pouilles en 1616 ; il devient prêtre et organiste, et sera employé à Ferrare et Bergame, avant de devenir maître de chapelle à la Basilique San Petronio de Bologne pendant plus de quinze ans, un poste que Perti occuperait quasiment toute sa vie quelques années plus tard. Il s'éteint à la cour des Gonzague à Mantoue en 1677. Représentative de l'École de Bologne qui lui doit de nombreux exemples féconds qui influenceront ses cadets, sa musique maria les influences vénitiennes et romaines avec une personnalité inattendue. Sa Messa e salmi per li defunti, entendue mercredi après-midi en la chapelle baroque Saint-Louis du Prytanée national militaire de La Flèche, fut éditée en 1663.

Quant à lui, Giacomo Antonio Perti ne quittera jamais Bologne où il est né en 1661 et où il suit l'enseignement de son oncle compositeur Lorenzo. À l'âge de trente-trois ans, il est nommé maître de chapelle à San Petronio. Il assurera ces fonctions durant quelques soixante années. Parallèlement, il est fait patron de l'Academia Filarmonica où il enseigne (certains de ses élèves deviendront de grands musiciens, comme Torelli et Martini). Sa musique est essentiellement vocale (plus d'une vingtaine d'opéras, des cantates, messes, hymnes, psaumes, etc.), même si la place de l'instrument y reste fort importante, comme le démontre la présence presque systématique d'une sinfonia dans ses messes. Il donnera ses lettres de noblesse à l'oratorio. Ainsi son Gesù al Sepolcro créé en 1685.

Samedi après-midi, c'est en la massive église romane de Brûlon qu’Il Seminario Musicale donnait la Passione de Perti, dans une lecture d'une grande clarté soulignant avec juste ce qu'il faut d'expressivité les climats parcourus par l'œuvre. Cinq solistes pour cet oratorio : le soprano Soledad Cardoso prête un timbre idéal au rôle de Maddalena (sans tartufferie, le texte ne laisse aucun doute quand à la nature sensuelle de sa relation avec le Christ), mais chantant d'une manière indifférenciée, comme si elle ne prenait jamais en compte le sens des paroles qui lui sont confiées ; Gérard Lesne donne d'une voix particulièrement en forme un San Giovanni magnifiquement nuancé et sensible, tandis que la basse Bertrand Chuberre offre un Centurion particulièrement sonore, bien qu'accusant quelques soucis de stabilité momentanés. On retrouve l'excellente Chantal Santon – entendue ce printemps dans la Brockes Passion de Händel [lire notre chronique du 16 avril 2004] –, d'une splendide plénitude dans une Marie fort émouvante, ainsi que le ténor Jean-François Novelli, toujours d'une exemplaire fiabilité. En guise d'ouverture, Il Seminario Musicale jouait le Confitebor tibi Domine de Vivaldi.

Le Requiem de Cazzati est donné par A Sei Voci.
On félicitera avant tout les artistes des chœurs pour leur très beau travail, alors que la distribution soliste nous satisfait nettement moins, il faut l’avouer. Citons toutefois la basse Stephan Imboden qui sert au mieux la partition. Au pupitre, Bernard Fabre-Garrus dirige une interprétation volontiers contrastée dont on se souviendra du bouleversant Recordare (Lorenzo Ferrari).

BB