Chroniques

par irma foletti

Richard Wagner | Parsifal (version de concert)
Julian Hubbard, Elena Pankratova, Werner van Mechelen, Shenyang, etc.

Orchestre symphonique et Chœur de la Monnaie, Alain Altinoglu
Palais des Beaux-arts, Bruxelles
- 21 mai 2022
Alain Altinoglu dirige les Orchestre symphonique et Chœur de la Monnaie
© simon van rompay

Directeur musical du Théâtre royal de la Monnaie depuis 2016, Alain Altinoglu y a déjà dirigé Lohengrin et Tristan und Isolde [lire nos chroniques du 4 mai 2018 et du 14 mai 2019]. Avec son orchestre, il aborde aujourd’hui un troisième opus wagnérien, Parsifal, donné lors de trois soirées de concert en la salle Henry Le Bœuf du Palais des Beaux-arts.

Dès les toutes premières mesures, c’est un son important qui parvient aux oreilles, les cuivres se mettant en place avec beaucoup de brillant quelques mesures plus tard, accompagnés par un timbalier plein de fougue. Ce volume développé sera une constante du concert, privilégiant une lecture lyrique de la partition bien qu’en conservant tout de même les intenses moments de recueillement, en premier lieu ceux passant par les doux unissons des cordes. Il faut dire que l’acoustique favorable de la salle flatte la puissance orchestrale, y compris pour un petit solo de flûte qu’on écoute d’ordinaire avec plus de légèreté. L’éclat de l’œuvre en ressort davantage, un orchestre en majesté, véritablement, lors de la cérémonie du Graal (premier acte), des crescendos régulièrement impressionnants, l’ensemble des instrumentistes s’exprimant dans une architecture solidement bâtie par le chef.

Dans ces conditions, le Parsifal de Julian Hubbard n’est pas le protagoniste qui marque le plus, la voix n’étant pas spécialement claire ni puissante, mais il faut reconnaître que l’interprète prend idéalement l’allure du chaste fol sur scène, se métamorphosant en élu après sa révélation de l’Acte II [lire notre chronique d’Il prigioniero]. En Gurnemanz, Franz-Josef Selig est l’indiscutable triomphateur du plateau vocal, timbre royal de basse profonde, diction idéale et une autorité naturelle qui ponctue chacune des interventions de ce rôle-marathon. On entend aussi une grande humanité dans ses paroles, certains sons fixes faisant passer la douleur des chevaliers, à l’Acte III. Le baryton-basse Werner van Mechelen compose un vaillant Amfortas, d’une forte projection vocale qui pourrait nous faire douter, par moments, de sa blessure. Placé à l’étage au-dessus de la scène, le Titurel de la basse Konstantin Gorny fait justement entendre des graves d’outre-tombe, paraissant déjà appartenir à l’au-delà [lire nos chroniques de La Gioconda et de Parsifal (à Strasbourg)]. Le baryton-basse coréen Shenyang développe, quant à lui, un timbre séduisant et particulièrement riche ; la couleur n’est pas particulièrement noire, il dessine donc plutôt un Klingsor noble et redouté [lire notre chronique de Rodelinda]. Côté féminin, Elena Pankratova est une Kundry spectaculaire dans les cris déchirants et glaçants, tout comme ses aigus envoyés avec force décibels – par exemple l’intervalle vertigineux « und lachte », absolument paralysant [lire nos chroniques de Die Frau ohne Schatten à Munich puis à Londres, de Fidelio, Parsifal (à Bayreuth), Tannhäuser et Turandot]. On peut mentionner également les quatre écuyers Sheva Tehoval, Raphaële Green, Paul Curievici et Alexander Marev, les deux premières assurant aussi deux des six filles-fleurs.

Préparé par Johannes Knecht, le Chœur de la Monnaie fait un sans faute, lui aussi servi par une acoustique avantageuse en étant placé en fond de plateau, devant le grand orgue aux parements de bois. Ainsi les cérémonies du Graal (I et III) constituent-elles de forts moments de lyrisme et d’émotion. Les Chœurs d’enfants et de jeunes et l’Académie des chœurs de la Monnaie interviennent en coulisses au premier acte, les portes de la salle entrebâillées ou ouvertes permettant de jouer sur la sensation de distance de la source sonore. Si les choristes chantent avec partition, il faut signaler que ce n’est le cas d’aucun soliste, ce qui renforce l’esprit de communion avec le public.

IF