Chroniques

par isabelle stibbe

Rigoletto
opéra de Giuseppe Verdi

Opéra national de Montpellier / Le Corum
- 20 mars 2011
Rigoletto de Verdi à l'Opéra national de Montpellier, production Kœring
© marc ginot | opéra national de montpellier

Un dos de femme amené sur un plateau à roulettes par des hommes en blanc, un couteau, du sang… Étonnant prologue à ce Rigoletto mis en scène de René Kœring. On ne comprend pas bien ce que veut dire l’ex-surintendant de l’Opéra national de Montpellier en faisant débuter l’œuvre de Verdi par cette espèce de dissection. Même en la liant à Nastagio degli Onesti, le tableau de Botticelli (utilisé par l’affiche) qui représente une femme éviscérée par un cavalier, on s’interroge : veut-il figurer l’horreur d’une cour dépravée ? Symboliser la violence faite aux femmes ? S’agirait-il simplement d’une provocation ?

En définitive, c’est vers cette dernière hypothèse que l’on penche, tant la production se trouve par la suite dénuée d’une ligne de force. Des petites provocations par ci par là : Gilda gratte une guitare jaune en jean et baskets, le duc et Maddalena s’amusent à des jeux sado-maso très sommaires, Rigoletto est un bouffon sans bosse, etc. On aurait pu s’en offusquer dans les années quatre-vingt, mais aujourd’hui… Pour le reste, rien qui justifie l’image inquiétante de ce sanglant prélude. La direction d’acteurs n’est pas plus inspirée : si elle frôle parfois le second degré (par exemple lors de la scène de l’Acte I entre le Duc et Gilda), c’est pour aussitôt retomber dans une mécanique plate. Pas mieux du côté de la scénographie. On sent le metteur en scène embarrassé par l’immensité du plateau : au lieu d’en profiter, il n’a de cesse que de la réduire en créant des espaces confinés.

L’Orchestre National de Montpellier Languedoc Roussillon, lui, profite au contraire de l’immensité de la salle pour prendre de la place. Sous la direction de Gregor Bühl, il sonne au point d’écraser les chanteurs. Par bonheur, les musiciens s’adaptent vite et, au fil de la représentation, réussissent à respecter complètement les voix. Il aurait d’ailleurs été dommage de se priver de quelques unes.

On découvre ainsi Andreï Dunaev (Duc de Mantoue), voix souple, brillante et facile, qui se meut aisément dans la musicalité du rôle et promet de devenir un ténor qui comptera dans ce type de répertoire. Alberto Gazale offre à Rigoletto un beau contrepoint, malgré quelques défauts ; le baryton chante toujours un peu en force – ce qui convient très bien aux passages vaillants comme le Cortigiani, vil razza dannata, mais un peu moins dans les moments plus doux et nuancés comme le duo du premier acte avec sa fille. En dépit d’un manque de fragilité, qui fait toute la complexité et l’émotion du rôle, il n’en compose pas moins un Rigoletto convaincant et d’une grande force dramatique. En revanche, la Gilda de Maya Boog peine à émouvoir tant sa palette vocale manque de couleurs et de piquant. Parmi les seconds rôles, on remarque surtout Nicolas Courjal (Sparafucile) qui, comme toujours, offre une ligne vocale superbe – presque trop élégante pour un tueur à gages !

IS