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Chroniques
Roberto Devereux | Robert Devereux
opéra de Gaetano Donizetti (version de concert)
Une salle en délire, debout, applaudissant à tout rompre et inlassablement les artistes qui n’en finissent pas de saluer : c’est le souvenir que conservera le mélomane ayant eu l’occasion, le privilège, la chance, d’assister à la quatrième et dernière audition que l’Opéra de Marseille vient de consacrer à Roberto Devereux de Donizetti… en une version de concert, seulement, mais qui sublimait encore plus nettement la qualité vocale d’une distribution sans faille ni faiblesses ou fêlures, se livrant toute entière aux charmes, aux élans, aux sortilèges du bel canto.
Tirant sa trame d’un drame français d’Ancelot qui, pour la énième fois, revient sur les amours vraies ou fantasmées, mais toujours malheureuses, de la reine Élisabeth d’Angleterre, l’ouvrage n’est pas parmi les plus joués du compositeur italien. Une injustice, s’il est vrai que les trois actes développent un superbe assemblage d’arie de belle allure, mais également d’ensembles concertants bien menés et du plus bel effet.
Encore convient-il qu’ils soient défendus au mieux, ce qui est le cas dans la cité phocéenne, en particulier grâce à l’éblouissante prestation de la cantatrice ligurienne Mariella Devia, aussi parfaite vocalement qu’émouvante dans le rôle de la souveraine britannique tourmentée par la chair. Les ans n’ont visiblement aucune prise sur le chant et l’expressivité de cette sexagénaire de laquelle on ne sait trop s’il faut admirer plus la fluidité de l’émission, la clarté des aigus, la limpidité des sons filés ou la musicalité. Autre femme amoureuse, douloureuse (bref, sa rivale), la Sara de Béatrice Uria Monzon ne lui est point inférieure, musicale à souhait, elle aussi, tendre et expressive, faisant des scènes entre ces dames des moments de toute beauté.
Côté masculin, l’avantageux et inconscient Roberto s’avère vocalement fort bien campé, par le ténor Stefano Secco. Certes, la ductilité et la sensualité du timbre mettent un bon acte à s’épanouir vraiment, mais pour atteindre des merveilles. Fabio Maria Capitanucci dans le rôle difficile de Nottingham, le mari et ami trompé, Julien Dran dans celui du rigide Lord Cecil et la belle vocalité de Jean-Marie Delpas (Raleigh) complètent avec bonheur et homogénéité cette équipe, face à un Chœur maison tout de même un rien dispersé, surtout du côté féminin.
N’empêche, la direction vivante, vibrante, entrainante et fluide d’Alain Guingal emporte toutes ces voix dans une nuée lumineuse et radieuse, bien soutenue par les musiciens de l’Orchestre marseillais. Un moment qui rend pleinement heureux le mélomane séduit, fasciné.
GC