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Chroniques
Rosmira fedele | Fidèle Rosmira
opéra d’Antonio Vivaldi
Rosmira fedele est l’ultime témoignage préservé de la production lyrique de Vivaldi. Conservé à la Bibliothèque de Turin, il reste inédit. Son livret s'inspire de la Partenope de Stampiglia, célèbre poète de l'Academia dell'Arcadia fondée à Rome en 1690 sous la protection de la Reine Christine. Il fit l'objet de plusieurs opéras, dont celui de Luigi Manca créé à Naples en 1699, et celui de Georg Friedrich Händel conçu pour Londres en 1730. Parthénope, reine de Naples qu'elle a fondée, loue Apollon, entourée de deux soupirants rivaux, Arsace et Armindo, lorsque survient un jeune prince inconnu qui, se plaçant sous sa protection, dit s'appeler Eurimène. C'est en fait la Princesse de Chypre Rosmira qu'Arsace a aimée et qu'il devait épousée. Sous ce déguisement, elle est venue pour se venger l'affront d'un amant infidèle auquel elle déclare la guerre en lui faisant promettre de ne jamais révéler son identité véritable. Coupable et repentant, Arsace décide de laisser la part belle à son rival, lorsque Parthénope elle-même se déclare à son avantage. Pour la seconde fois, il renie Rosmira. Furieuse, l’héroïne brouille le jeu en prétendant brûler d'une flamme amoureuse pour la Reine.
Parallèlement à l’intrigue surviennent des événements politiques confus : un prince frontalier, Emilio, a entamé la guerre contre Naples qu'il tente d'envahir. Il vient proposer un projet de paix : en l'épousant, Parthénope renforcerait sa souveraineté sans autre risque de conflit. La suivante de la Reine, la princesse Ersilla, est éprise d'Emilio. Elle essaie de lui parler au nom d'une amie noble, mais le guerrier félon ne veut rien entendre. La souveraine refuse le compromis et nomme Arsace commandeur des armées, ce qui avive la jalousie d'Armindo et de Rosmira. Tous deux se liguent contre Arsace.
Le hasard de la bataille soumet la jeune femme toujours travestie à Emilio. Arsace l'a sauve et livre le félon à la Reine ainsi rendue victorieuse. Mais Eurimène s'autoproclame vainqueur d'Emilio. Arsace ne répondant pas comme il le devrait à une telle provocation, Parthénope emprisonne l'étranger fanfaron. S'ensuit un imbroglio des plus inextricables à l’issue duquel Rosmira finit par avouer sa véritable identité. Après trois actes de rebondissements rythmés, elle pardonne et l'opéra peut s'achever sur l'annonce de mariages simultanés : Rosmira et Arsace, Ersilla et Emilio, Partenope et Armindo.
Rosmira fedele fut créé en 1738, pour les festivités du carnaval de Venise, au Teatro Sant’Angelo, réunissant une distribution que beaucoup de musiciens d’alors auraient rêvée. Comme il était de coutume, et afin de réserver aux chanteurs des moments de brio tant conformes à leur égo qu'au goût du public, Vivaldi écrivit la trame musicale principale tout en citant des airs empruntés aux travaux d'autres musiciens. Si de nos jours, à de telles pratiques feraient hurler, c'était à l’époque monnaie courante, et quand bien même le compositeur s’en privait, les interprètes en prenaient volontiers licence de leur propre chef. On connaît bien ces pratiques qu’Händel détestait. Rosmira fedele n’avait pas été jouée depuis 1738. Sa résurrection ne nécessita aucune reconstitution, puisque l’on dispose du livret dans l'édition de la création et de la partition manuscrite de Vivaldi.
Marianna Pizzolato incarne à ravir la fidèle et vengeresse Rosmira, offrant au personnage un timbre chaleureux d'une grande richesse et un mezzo d’une couleur suave. La partition recourt au registre comme à un élément d'ambiguïté venant souligner le travestissement. On regrettera pourtant l'ingratitude de cette partie qui n'offre guère de moments virtuoses. Arsace est tenu par Salomé Haller qui assume ce personnage assez falot en affrontant sans pâlir les arabesques de ses airs. Le sopraniste Jacek Laszczkowski campe un Armindo qui emporte les suffrages grâce à un organe d'une agilité à toute épreuve et à son charisme. Rarement se fait entendre ornementation si délicatement menée.
La mise en scène a été confiée à Gilbert Blin qui nourrit un intérêt particulier pour l'œuvre du prêtre roux, puisqu’après avoir présenté Orlando furioso (1727) à Prague, il prépare également Semiramide (1731). Dans cette Rosmira fedele, la gestuelle tentant de recréer l'auto-présentation répétée de chaque personnage par un signe personnel valide pendant tout le spectacle. Se plier à l’univers de toiles peintes et de perspectives conventionnel au XVIIIe siècle impose au public une vue qu’il pourra ressentir comme étriquée. Certes, dans un cadre totalement adéquat, comme le Théâtre du Château de Drottningholm avec lequel Blin souvent collabora, la question ne se pose pas ; mais ici... Peu de jeu, un maniérisme légèrement naïf, voilà tout. Félicitons Gilbert Bezzina qui, de son archet, dirige plateau et musiciens.
BB