Recherche
Chroniques
Südwestrundfunk Sinfonieorchester Baden Baden
George Benjamin dirige l’ouverture du festival
La vingt-troisième édition du festival Musica s’oriente vers quatre grands axes : l'exploration de l'univers du compositeur suisse Michael Jarrell à travers neuf de ses œuvres, la rencontre avec la Finlandaise Kaija Saariaho, en résidence au CNR de Strasbourg, s'articulant en trois rendez-vous où seront jouées onze pièces, un hommage rendu au doyen des créateurs d'aujourd'hui, l'américain Elliott Carter, dont sonneront une dizaine de pages parmi lesquelles deux premières auditions françaises (Of Rewaking et Boston Concerto, écrits en 2002), enfin la présence du musicien britannique George Benjamin qui dirige cette soirée d'ouverture et dont dix œuvres retentiront ici cet automne.
C'est avec Sudden time, pièce d'orchestre en deux mouvements que Benjamin travailla durant près de neuf ans, que le concert commence, immergeant directement l’écoute dans un monde sonore particulièrement soucieux des timbres et des couleurs, hérité de Debussy mais aussi, lorsqu'on en observe plus précisément le geste d'ensemble, de Sibelius. Tout en affirmant ses propres préoccupations, l'élève favori de Messiaen regarde l'histoire de la musique sans lui rêver une continuité idéale. À la tête du Südwestrundfunk Sinfonieorchester Baden Baden, le compositeur énonce le plus clairement qui soit les subtilités de sa facture, dans une définition lumineuse de chaque pupitre, révélant également des phénomènes d'oxydation du son, une certaine minéralité que l'on retrouve tout au long de ce programme.
En mars 2000, à Londres, nous entendions Palimpsest sous la battue de Pierre Boulez pour l'anniversaire duquel Benjamin l'avait conçu. Retravaillé deux ans plus tard, comme l'ont été nombre des partitions de Boulez lui-même, Palimpsests I & II impose aujourd'hui des contrastes assez violents que des soli interrogatifs viennent souligner d'autant plus. Pourtant, l'insaisissable et le raffiné sont bien là, tissant dans ces oppositions extérieures une trame complexe. Imaginée en 2004 pour une chorégraphie d’Anna Teresa de Keersmaeker et commandé par le Chicago Symphony Orchestra, Dance Figures s'articule en neuf scènes qui révèlent avec évidence la maîtrise du compositeur. Ces deux œuvres sont données en premières françaises.
Enfin, Pierre-Laurent Aimard gagne le plateau pour un jeu de miroirs fascinant : comme l'avaient proposé Michael Wendeberg, l'Orchestre National de Lyon et David Robertson (juin 2002), le pianiste joue chacune des Notations (1, 7, 4, 3 et 2), l'orchestre donnant immédiatement après son extension plus tardive. Ce qui frappe ici, c'est la faculté d'Aimard à différencier les effets du clavier, comme s'il annonçait, comme s'il guidait l'écoute future dans la partition d'orchestre. Le plaisir est grand de goûter au soin du détail de la conduite de Benjamin, chassant fort heureusement le souvenir que nous gardions de la pachydermique lecture berlinoise de ce printemps [lire notre chronique du 27 mars 2005].
BB