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Chroniques
Scharoun Ensemble Berlin
Mozart en montagne
Pour la seconde année, le Zermatt Festival invite les mélomanes à partager leur passion au pied du Mont Cervin, dans un paysage paradisiaque. Constitué de solistes des Berliner Philharmoniker, l'ensemble Scharoun assure la plupart des concerts, ainsi que les cours donnés en journée à de jeunes instrumentistes, dans le cadre de l'Académie de musique de chambre. Trois semaines s'articulent sur deux axes, les deux cent cinquante ans de la naissance de Mozart et la résidence du compositeur et clarinettiste Jörg Widmann, axes qu'un dénominateur commun rassemble assez évidemment : la jeunesse. La jeunesse du festival, pour commencer, puis celle des trente-trois ans de Widmann, celle des éternels trente-cinq de Mozart, celle des élèves de l'académie, enfin celle de Daniel Harding qui dirigera le concert de clôture (24 septembre).
Dans la charmante petite chapelle de Riffelalp, à 2222 mètres d'altitude, notre présence à Zermatt est ouverte vendredi à 18h par le Quatuor en ré majeur K285 (pour flûte, violon, alto et violoncelle) de Wolfgang Amadeus Mozart. Dans une acoustique un rien « matifiante », préférable aux habituels débordements des églises, l'Allegro rayonne d'une joie sensiblement nuancée, dans un tempo alerte qui anime une exécution sainement soucieuse des équilibres. La fluidité évidente de la flûte d'Andreas Blau s'impose dans une efficacité pleinement partagée par ses partenaires. Après un Adagio plus héritier d'un style encore italien, où l'élégie de la flûte survole les pizzicati du trio, le Rondeau révèle le jeu tant gracieux que présent de Richard Duven au violoncelle. Dans une jubilation contenue, le final trouve grand relief.
Mozart, toujours... Le lendemain, avec un concert dont une autre chronique vous parlera d'ici peu, mais aussi le 11 septembre, à l'hôtel Zermatterhof, en plein cœur du village, cette fois. Après les murs blancs que rehaussent quelques denses lustres de cristal noir, les coquettes marqueteries soulignées de dorures et d'effets de miroirs de la Matterhornsaal offrent des proportions comparables, soit une jauge restreinte qui rend précieuse chaque place. Plus mate encore, l'acoustique permet de goûter très précisément chaque détail. Dès l'Allegro du Quintette en mi mineur K407 (pour cor, violon, deux altos et violoncelle), on goûte l'excellence du cor (Stefan de Leval Jezierski) qui ménage un legato d'une grande régularité. De même le violon de Wolfram Brandl s'y avère-t-il d'une irrésistible suavité. Les instrumentistes s'ingénient ensuite à servir cette couleur particulière qu'imagina Mozart en choisissant d'utiliser deux altos, créant ainsi une sonorité assez insolite, surtout sensible dans l'Andante central.
Mais le Rondeau vient poursuivre une interrogation qui déjà montrait le bout de son nez les soirs précédents : est-ce vraiment une bonne idée que de confier la presque intégralité d’un programme de festival à un seul ensemble ? Les musiciens dispensent leurs cours, répètent les divers menus à livrer, enfin se produisent en public, tout cela constituant un surcroît de travail et de stress qui conduit immanquablement à une baisse de régime durant le concert. En général, tout se passe plutôt bien lors des premières parties, mais après l'entracte, la fatigue prend le dessus, comme en témoignent de nombreuses imperfections et approximations se glissant dans le jeu pourtant indéniablement brillant des membres du Scharoun. De fait, les programmes sont copieux, ce qui n'arrange rien. Peut-être faudrait-il imaginer une formule légèrement différente qui permette aux artistes de donner le meilleur d'eux-mêmes.
Bien qu'il faille sans doute relativiser cette critique, partant que la déception qu'elle exprime est à mesurer à l'étalon de la grande classe des prestations de la formation berlinoise, la même soirée s'achevait avec le célébrissime Quintette en la majeur K581 (pour clarinette et quatuor à cordes) que la fatigue vint semer d'embûches.
BB