Chroniques

par bertrand bolognesi

Scharoun Ensemble, fidèle au poste
œuvres de Schönberg, Schreker et Stravinsky

Zermatt Festival / St.Mauritius-Pfarrkirche et Riffelalp Kapelle
- 13 et 14 septembre 2008
nuage de glace au pied du Cervin © Bertrand Bolognesi
© bertrand bolognesi

Indéniablement, un pédum dynamique veille à la programmation du Zermatt Festival : sans doute abrite-t-il autant la curiosité inspirée des musiciens du Scharoun Ensemble que l'impulsion de Nicolas Bohnet qui, pour la deuxième année, dirige avec succès la manifestation. Car si Mozart, Haydn, Schubert e tutti quanti n'en sont guère absents, les concerts présentés offrent un répertoire moins attendu et même quelques raretés.

Il n'est qu'à regarder les menus de deux rendez-vous chambristes – samedi soir, à l'église du village, et dimanche matin, en surplomb dans la chapelle des pâturages – pour s'en convaincre. Ils n'hésitent pas à épicer Bach et Mozart de Martinů, Stravinsky, Schönberg et Schreker, soit de porter un regard sur le passé à travers le symbolisme opulent d'un postromantisme débridé, un sérialisme encore lyrique et deux factures néoclassiques bien distinctes.

Costume noir sur chemise rouge, le comédien Dominique Horwitz, prêtant au diable de Ramuz une voix aigrelette de vieille femme nerveuse, fait danser les furolles sous la voûte. Dans cette œuvre « de poche » – dont la structure n'est pas sans rappeler celle des Tableaux d'une exposition de Moussorgski, avec sa promenade qui vient régulièrement ponctuer la narration musicale de ses récurrences –, le Scharoun fait florès. Leste et fluide, élégant et inventif, le geste s'impose, tout en soignant les passages plus délicats, comme le duo clarinette et basson, par exemple. Dite en langue allemande, cette Histoire du soldat d'Igor Stravinsky gagne une tournure plus expressionniste qu'on s'y attend, invitant à s'y pencher différemment.

Amorcé dans une tiède retenue, Verklärte Nacht d'Arnold Schönberg diffère toujours plus tard la livraison de ses secrets. D'abord assez ternes, les timbres s'y travaillent peu à peu, sans heurts, les couleurs surgissent discrètement, mues par un art de la nuance qui s'affirme pleinement à l'aube du troisième tiers de l'exécution. L'écoute est alors emportée jusqu'à la conclusion douce-amère.

Demeuré longtemps inédit jusqu'à sa création tardive au printemps 1980 (Berlin), Der Wind fut écrit en 1908 par Franz Schreker pour violon, violoncelle, clarinette, cor et piano. Il est donc contemporain de la composition de l'opéra Der ferne Klang, avec lequel il partage certains procédés, et de la Suite de danses dont il fréquente l'inspiration. Conçu en un seul tenant un rien théâtral, avec ses effets de surprise, ce quintette offre aux instrumentistes de tisser des moires subtiles qui, à un emportement expressif, opposent des demi-teintes extrêmement raffinées. On regrette cependant qu'à l'enthousiasme de quatre musiciens réponde un pianiste monochrome d'un gris brutal au tactus encaserné… ce qui n'empêche qu'on redécouvre avec plaisir cet opus précieux !

BB