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Chroniques
semaine Marco Stroppa, épisode 4
Florian Hölscher, piano
À 18 heures, mercredi, le Salon Nijinski, investi par un dispositif électronique, accueille le récital du pianiste Florian Hölscher qui lors de l’édition 2000 du festival Présences donnait déjà huit des Miniature estrose de Stroppa à Paris, et qui vient d'en enregistrer le Livre I (Stradivarius). Hier, nous avons entendu Prologos : anagnorisis I (massicio) et Birichino, come un fureto (con moto quasi perpetuo) ; le programme de ce soir annonce la création mondiale d'une version longue de cette miniature.
« La version longue de Birichino ne sera finalement pas. J'ai un peu travaillé la place de la musique par rapport au programme – comme un compositeur, si vous voulez ! Mes pièces ne sont pas systématiquement jouées au début de chaque concert, ou à la fin, ou au milieu. Si vous regardez bien, vous verrez que tout cela bouge. Il y eut un vrai travail de placement en fonction des relations que ma musique peut avoir avec les autres œuvres jouées. Ensuite, une recherche d'équilibre entre l'instrumental et l'électronique – avec un début de semaine plutôt instrumental et une fin plus électronique, sachant que dans l'un des derniers concerts, on mélange des pièces acoustiques à des pièces électroniques, pour montrer comment peuvent se retrouver ces deux mondes sonores, s'interroger l'un l'autre – a été soigneusement dosée. La version longue de Birichino fait appel à l'électronique. Nous l'avons déprogrammée parce qu'elle ne fonctionnerait pas du tout dans le contexte de ce concert-là. À sa manière, elle répond au concept d'étude, tandis qu'ici le répertoire joué propose d'entrer dans la complexité du son. Nous l'avons donc remplacée par la Miniature la plus proche de cette idée, la berceuse Ninnananna. Il fallait sacrifier le plaisir de donner une création au souci de cohérence du programme. »
Après …Sofferte onde serene… de Luigi Nono où il dialogue avec le piano de Pollini, Florian Hölscher joue Introduktion und Etude pour piano et électronique du viennois Johannes Kretz qui suivit l'enseignement de Stroppa au Festival Bartók de Szombathely. Ici, le piano se trouve comme enveloppé par son ombre, selon un procédé désormais presque classique de la composition avec l'électronique. Suit le fascinant Tombeau de Messiaen écrit il y a une dizaine d'années par Jonathan Harvey, utilisant quelques motifs des Sons impalpables du rêve ou des Trois petites liturgies de la présence divine, entre autres, et fort brillamment joué. Pour finir, Traiettoria, la première œuvre avec électronique, composée par Stroppa de 1982 à 84 puis révisée en 1988. Laissons-lui la touche finale de cet article :
« À travers trois mouvements de dimensions croissantes – nous entendrons ce soir les deux premiers : Traiettoria… deviata et Dialoghi –, le piano se situe dans une relation de plus en plus complexe avec l'ordinateur qui ne contient que des sons de synthèse très soigneusement composés et n'ayant aucun rapport acoustique avec lui. Ces rapports ne se situent donc pas au niveau du son ou de l'instrument, mais à celui du langage musical, en une série de figures communes s'appuyant sur une étude approfondie de la psychoacoustique et des sciences cognitives me permettant de réaliser des sonorités véritablement hybrides dans lesquelles les deux univers sonores entrent dans un rapport d'intimité totale, tout en restant eux-mêmes sur le plan acoustique. Est-ce une métaphore d'une façon de vivre ensemble entre cultures différentes, parfois contradictoires, dans un respect total de chacun ? »
BB