Chroniques

par bertrand bolognesi

Sergueï Rachmaninov | Vêpres Op.37
Chœur de Radio France dirigé par Andreï Petrenko

Église Saint-Eustache, Paris
- 26 septembre 2008
le compositeur russe Rachmaninov peint par Konstantin Somov en 1925
© dr | rachmaninov par konstantin somov, 1925

Largement honorée pour son catalogue pianistique, ses pages concertantes et ses symphonies, la musique de Sergueï Rachmaninov compte quelques opus choraux, sacrés ou non, encore peu donnés. Composés en 1915, pendant le premier conflit mondial, les Vêpres Op.37 réunissent une inspiration vibrante à un savoir-faire acquis au fil des œuvres. Conçues entre la Sonate Op.36 n°2 et les Etudes-Tableaux Op.39, elles concluent bien plutôt le travail amorcé dès 1890 par le motet Deus Meus, plus assurément abouti dans la Liturgie de Saint Jean Chrysostome Op.31 achevée en 1910.

Si la parenté religieuse est évidente, n'oublions pas que le compositeur put dompter l'écriture chorale à travers des pièces profanes comme les Six chœurs féminins Op.15 en 1895 (poèmes de Lermontov, Lodijenski, Nekrassov et Romanov), Le guérisseur (Tolstoï) cinq ans plus tard, la cantate Le printemps Op.20 (Nekrassov) de 1902 et, enfin, celle imaginée à partir d'Edgar Poe adapté par Balmont, Les cloches Op.35, encore toute proche (1913). Les Vêpres marquent à leur manière la fin d'une veine à laquelle Rachmaninov ne recourrait plus qu'une seule fois, en 1927 (Trois chœurs russes Op.41 pour voix et orchestre).

Les artistes du Chœur de Radio France offrent une exécution soignée qui ne maltraite pas la diction russe. Malgré la grande déperdition acoustique de Saint-Eustache, on goûte une interprétation recueillie. Le contralto Tatiana Martinova conduit souplement un chant évident, bénéficiant d'une égalité de l'impact vocal idéale dans ce genre musical-là. Au pupitre, Andreï Petrenko dose précautionneusement les enthousiasmes, y compris dans les Alléluia. Sa lecture est toute intériorité, « avec crainte » comme le dit le texte de la troisième hymne (Heureux l'homme). À l'infinie tendresse des femmes, lumière paisible, se superpose ensuite le timbre chaleureux, riche en harmoniques, du ténor Pascal Bourgeois. Toujours élégant, son phrasé servira parfaitement le cinquième épisode (Nunc Dimittis).

Mitonnant des demi-teintes savantes, le chef russe souligne aussi la facture moins traditionnelle de l'Hexapsaume qui ouvre les Matines. Encore révèle-t-il le vigoureux contrepoint de Louez le nom du Seigneur. D'un abord plus austère, Ayant contemplé la Résurrection du Christ introduit le grand recueillement du Magnificat. Après l'extrême exigence de la Grande doxologie d'une facture particulièrement complexe, la ferveur d'En ce jour le Salut est donné au monde s'impose naturellement. L'harmonie redoutable de la pénultième hymne met à rude épreuve les ténors. La conclusion rencontre une santé communicative.

BB