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Chroniques
Sextuor de Krzysztof Penderecki
Krzysztof Penderecki a exprimé souvent son opinion personnelle quant à l’incapacité des courants de créations, à partir de la seconde moitié du XXe siècle, d’écrire de la musique de chambre. Il est vrai qu’au regard des productions de Brahms, Schubert ou Mozart, les compositeurs d’aujourd’hui restent modestes. Cela dit, de manière générale, les auteurs du passé entretenaient un style, une esthétique, toute une vie durant, sans en changer, attitude pratiquement impensable de nos jours où l’on parlera plutôt d’un chemin à tracer, chaque œuvre constituant une nouvelle étape d’un vaste parcours évolutif. Du coup, si chaque nouvelle œuvre est une remise en question ou une critique de la précédente, il est inévitable que les musiciens écrivent moins.
La musique de chambre serait-elle véritablement oubliée ? Rien de convainquant ou d’objectivement justifié dans une telle affirmation. Il suffira de regarder les opus des uns et des autres pour s’en rendre compte. Et Penderecki lui-même n’a-t-il pas plus écrit pour orchestre, ou soliste avec orchestre [lire notre chronique du 6 juillet 2003], que pour des formations strictement chambristes ? Il n’est qu’à se souvenir des dimensions, tant par le temps, la structure, que l’instrumentarium requis, de ses vastes fresques religieuses. De là à conclure que sa remarque exprime plus un regret personnel qu’une vue sur l’état de la création musicale…
Nous entendions aujourd’hui son Sextuor pour violon, alto, violoncelle, clarinette, cor et piano, écrit en 2000, l’une des partitions préférées de l’auteur, de son propre aveu. À son écoute, on aimerait parler d’une sonate pour clarinette et cinq instruments, tant l’importance de la partie de cet instrument s’impose. Michel Lethiec – qui par ailleurs enregistra le Concerto et la Sinfonietta n°2 de Penderecki sous sa direction aux côté de la Camerata de Saint-Pétersbourg – en donne une interprétation présente, d’une grande tenue, avec un son fort travaillé. On reste admiratif de certaines attaques pianissimo d’une rare douceur de la part d’André Cazalet au cor, de même que de ses interventions depuis les coulisses au second mouvement. Le jeu d’ostinati de l’Allegretto possède une force extrêmement contagieuse, pour ainsi dire, effervescente, une énergie jubilatoire qui réunit les six artistes dans un bel enthousiasme. Le Larghetto prend appui sur une annonce dramatique de l’alto (ici Vladimir Mendelssohn), proche de pages tardives de Chostakovitch, dont le thème est développé ensuite par un duo violon-violoncelle désolé. La grande partie de piano solo demeure cependant décevante, Barry Douglas s’y effaçant trop. On apprécie le bel équilibre instrumental de la toute fin de l’œuvre.
Ce programme s’ouvrait sur le Trio en si bémol majeur Op.11 de Beethoven, dans une lecture élégante, lyrique pour le violoncelle attachant de François Salque, pleine d’esprit, bien que le piano demeurât, là encore, un peu pâlot.
BB