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Chroniques
Siegfried
opéra de Richard Wagner
Une journée de relâche nous revigora pour mieux retrouver l’armada des dieux qui se jouent des hommes, avec la deuxième journée de l’épopée wagnérienne. Après un Rheingold assez prometteur, c’était une bonne surprise d’assister, mercredi, à une Walküre somptueusement chantée. Quoiqu’il demeure sainement réalisé, le troisième épisode du Ring des Nibelung ne répète pas le miracle d’avant-hier [lire nos chroniques des 29 et 28 juin 2016]. Le responsable n’est certes pas le très efficace Orchestra of Opera North dont Richard Farnes dynamise avantageusement forces et talents : au contraire, le chef britannique se montre soucieux de servir l’œuvre et consciencieusement à l’écoute des chanteurs, jusqu’à modifier son pas en fonction des difficultés qu’ils rencontrent parfois. Loin de ternir la prestation globale, son soin du détail souligne un louable sens musical, au zénith dans les pages instrumentales comme les fameux voyage du héros sur le fleuve et sylvestres murmures.
Sur la durée, la proposition semi-scénique de Peter Mumford, toujours assisté par Joe Austin, finit par s’user – prétendre l’inverse serait mentir. Nous ne sommes pas dans un théâtre, c’est un fait, et le plateau du Royal Festival Hall ne se prêterait pas, de toute façon, à une véritable mise en scène. Mais si, associé aux bons réflexes d’un vrai métier de chanteur, l’habillage vidéastique peut sembler un compromis judicieux, son premier degré laisse parfois songeur… La conception touche les limites imposées par une œuvre qui s’autocite à plusieurs reprises, qui signale ses situations par le recours à tel leitmotiv, de sorte que la narration visuelle sur les écrans se fait souvent stérile redondance.
Difficile de tenir son rang, après Die Walküre…
Pour le coup, le cast satisfait plus ou moins. Alors que l’Erda de Ceri Williams flattait l’oreille mardi, elle paraît manquer d’impact ce soir, comme anémiée. On n’affirmera pas qu’elle ne fait pas l’affaire, loin de là, mais l’affaire n’a rien de très juteux, en fait. On trouve plaisir à l’agilité de Jeni Bern en Oiseau de la forêt irréprochable. Si le Mime de Richard Roberts accuse quelque fatigue, trois autres messieurs captivent : le baryton-basse hongrois Béla Perencz campe un Wanderer de bon aloi, Jo Pohlheim nous revient en Alberich favorablement timbré, et le dragon littéralement caverneux de Mats Almgren est idéal (Fafner) – les derniers instants de la bête abattue parviennent même à émouvoir, grâce à cet attachant grain de voix. En revanche, et bien qu’ayant incarné deux années de suite Tannhaüser au Bayreuther Festspiele [lire notre chronique du 13 août 2011] sous la direction de Thomas Hengelbrock puis ce même Siegfried dans l’ouvrage éponyme et Götterdämmerung sous la battue de Dennis Russell Davies à Linz, Lars Cleveman reste en deçà des exigences du rôle.
C’est donc une nouvelle fois l’art du soprano Kelly Cae Hogan qui emporte l’adhésion : dominant la soirée, sa Brünnhilde envahit la salle et fait grande impression. Que réservera donc Le crépuscule des dieux ?
KO