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Chroniques
Simon Boccanegra
opéra de Giuseppe Verdi
Échec à Venise lors de sa création (12 mars 1857), Simon Boccanegra suscita par la suite un intérêt qui n'a pas faibli depuis sa révision (enrichissement du livret de Piave par Boito, simplification de la musique) présentée à Milan près de vingt-cinq ans plus tard (24 mars 1881). Preuve en est, ce mois-ci par exemple, avec les différentes productions d’Amsterdam, de Paris et d'Angers Nantes Opéra, lequel clôt sa saison en invitant l'Ensemble Leporello et le Chœur de l'Opéra de Tours à rejoindre ses choristes, pour huit représentations à ne pas louper.
Pour sa première mise en scène d'opéra, Dirk Opstaele n'a pas visé la reconstitution d'une Gênes du XIVe siècle. À part les longs manteaux de couleur portés par les principaux protagonistes masculins, les costumes de Claude Masson pour le chœur de marins (pantalon, pull et bonnet passe-partout) ou pour les femmes du peuple (jupe et corsage assez sombre) restent assez neutres. Pareil pour les décors, puisqu'un plateau nu laissant apparaître le fond de scène est balisé par quelques paravents sur roulettes (qu’on déplaçant aisément à mains d'homme et changent de couleur à chaque acte) pour structurer l'espace en fonction des variations de lieu (les jardins Grimaldi, les appartements du doge, etc.).
Auteur et chorégraphe par ailleurs, le Flamand prouve sa prédilection pour le théâtre en ne recourant ni au multimédia, ni au réalisme. Lorsqu'un figurant mime un lever de rideau à la corde, c'est pour découvrir les artistes, face au public, prenant rapidement leurs marques par groupes successifs. Plus loin, nous découvrons des épées, des portraits, des lettres invisibles, comme le sont le lit où ne s'allonge pas Boccanegra et le billot qui fera l'ultime oreiller d'Albiani. La veillée mortuaire de Maria et les noces d'Amelia sont représentées sous forme d'un tableau figé. Plus que d'ordinaire, les chanteurs doivent être attentifs à apparaître et disparaître en rythme dans un espace qui tient parfois de la piste de danse et dans lequel – paradoxe ! – la frontalité de certains airs, condamnables sur d'autres productions, semble un espace de repos nécessaire.
Une solide distribution contribue assurément à la réussite du projet. On apprécie la clarté vaillante et nuancée de Wojtek Drabowicz dans le rôle-titre, les graves sonores de Wojtek Smilek (Fiesco), le timbre riche de Mariana Panova (Amelia), l'émission souple, bien que parfois trop nasalisée, d'Evan Bowers (Adorno), le velouté de Paul Kong (Gabriele) ainsi que la présence de Vincent Pavesi (Pietro). Enfin, de même qu'Opstaele a réussi à rendre « claire et forte la complexité de ce melodramma », Jean-Yves Ossonce, à la tête de l'Orchestre des Pays de la Loire, rend justice au Verdi tardif, soucieux d'épure. Moelleux et nuancé, sa direction aborde avec un certain classicisme les émotions de cet argument romantique.
LB