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Chroniques
Soile Isokoski et Bo Skovhus
Italienisches Liederbuch d'Hugo Wolf
C’est à un fort beau récital que le Palais des Beaux Arts invite son public dans la belle acoustique de la salle des concours du Conservatoire Royal, ce dimanche soir, un récital entièrement consacré à la musique d’Hugo Wolf, plus précisément à l’intégralité de son Italienisches Liederbuch. On connaît l’étrange carrière du compositeur qui, mises à part quelques rares exceptions dont un opéra (Der Corregidor, 1896), n’écrivit que des Lieder (environ trois centaines), parfois avec accompagnement d’orchestre, la plupart avec piano. Souvent réduits à l’extrême, et maniant le recitativo avec une aisance et une audace sans égales, ses travaux sont d’une concision frappante.
Plusieurs recueils de mélodies occupèrent Wolf, presque toujours de cette façon fiévreuse qu’on a coutume de qualifier de « géniale », c'est-à-dire en faisant table rase de tout autre sujet ou pôle d’intérêt, singulièrement concentrés à chaque fois sur la production d’un seul poète. Ainsi virent le jour tour à tour les Mörike Lieder, Eichendorff Lieder et Goethe Lieder. Il écrivit de façon plus occasionnelle des Lieder sur des textes de Lenau, Byron ou encore Michel-Ange, puis s’attela à un Spanisches Liederbuch (livre de chansons espagnoles) à partir de la tradition populaire ibérique qu’il connut par une collecte traduite par Heyse. Les attaques de plus en plus fréquentes et destructrices d’une maladie mentale capricieuse viendront interrompre régulièrement la composition d’un Italienisches Liederbuch construit sur de mêmes inspirations et modèles. Achevé en 1897, ces véritables petits bijoux constitueront la dernière œuvre d’Hugo Wolf, définitivement fou durant les cinq années qui lui restent à vivre, dans une maison de santé où il ne prononcera plus un mot.
Le soprano finlandais Soile Isokoski et le baryton danois Bo Skovhus [photo] présentent une lecture particulièrement théâtrale de ces pages, avec la complicité de l’accompagnatrice d’élection de la chanteuse, la pianiste compatriote Marta Viitasalo. Rien, dans cette interprétation, des méditations souvent imaginées par d’autres artistes. Au contraire, c’est à la fois en très grands habitués de la scène et en toute conscience des possibilités dramatiques du matériau que les trois complices abordent ce Livre, pour le plus grand plaisir de l’auditoire.
Si les textes supposent parfois des narrateurs enfants, Bo Skovhus y parvient à merveille, de même qu’il charme par les évocations plus mélancoliques, ou simplement romantiques, de certains passages. Le soprano s’avère peut-être plus monolithique, ne variant guère le registre de son jeu, mais certainement plus stable techniquement. En effet, certaines attaques du baryton s’opèrent par en-dessous, ce qui ne lui est cependant pas habituel (on se souvient des cinq Lieder avec orchestre de Wolf sur des poèmes de Goethe qu’il chanta splendidement en mars 2000 avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France et Jerzy Semkov à Pleyel, par exemple).
Saluons la grande expressivité du piano de Marta Viitasalo qui décline une vaste variété de nuances, passant d’un caractère à l’autre sans difficulté, souvent avec subtilité et délicatesse. Rappelons que les trois musiciens ont gravé ce programme pour Ondine en septembre 2001, dans une version moins audacieuse que ce soir mais musicalement irréprochable.
BB