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Chroniques
Soli
chorégraphies de Susan Buirge
Le salut bondissant et pétillant de Susan Buirge à la fin de cette soirée de samedi en l'Abbaye de Royaumont n'a fait que conclure l'enchantement proposé par les quatre pièces brèves qui constituent Soli, chacune nous emmenant dans un univers particulier. En allant de l'ouest à l'est (1976), le voyage nous a propulsés dans la lenteur envoûtante d'un déplacement tout en hésitation, retenue, reprise et, tout à coup, risque d'engagement que nous a donné à ressentir Nicole Piazzon, éternelle vague soutenue par la litanie perpétuelle de Philip Glass : inlassable reprise du thème musical ajoutant de-ci de-là une rythmique nouvelle sur laquelle la danseuse s'appuie risquant une amorce de l'épaule, voire du cou, jusqu'à engager le bras ; minutie du geste, risque du pas dans le déséquilibre.
Ensuite, le gong lancinant et linéaire de Carol Robinson a souligné l'évolution tout en rondeur de cette sorte de petit prince, Taoufiq Izeddiou, nous racontant la magie des nuits désertiques – Danse Nord (2000). Accrocheur d'étoiles et capteur de lune, ce corps puissant à la démarche féline a su livrer avec grâce comment d'une main retournée se protéger de la lumière. Ce danseur plus sensuel que technique donne à lire ce que les yeux regardent.
Puis, Larrio Ekson interprète Le chasseur au lac (2004). La lumière en camouflage de taches sombres, bleues et grises, et le son d'un sous-bois laissent apparaître un homme de dos, souple et silencieux, à l'affût d'un bruit, d'une découverte. Dans la magie d'un univers obscur, ce magnifique danseur navigue en louvoyant, saisi d'un tremblement obsédant donnant au final une image un peu trop extérieure à l'intention décrite. On aurait aimé plus d'évolution technique chez cet interprète si souvent chorégraphié. Est-ce vraiment de la danse ? Ceci est la question tant posée par le public en référence à la culture communément acquise.
Si Susan Buirge est une conteuse, elle est une chorégraphe à l'écriture virtuose – La terrasse à l'ombre de la lune (1995) –, comme en témoigne l'interprétation de Young-Ho Nam [photo], danseuse coréenne dont le corps se donne à l'espace jusqu'au bout : largeur du bras qui, d'une arche du dos, entraîne l'interprète en une spirale profonde, onde de choc redonnant vie à la clarinette de Carol Robinson, développant l'envoûtante célébration d'un hara-kiri, obsédant rituel qui deviendra cri figé, image de butō transcendé nous rappelant le tableau fou de Francis Bacon.
FC