Chroniques

par irma foletti

Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolesi
Bruno de Sá et Rémy Brès-Feuillet

{oh!} Orkiestra, Martyna Pastuszka
Festival d’Ambronay / Abbatiale
- 13 septembre 2024
Martyna Pastuszka dirige {oh!} Orkiestra
© bertrand pichène

Pour la soirée d’ouverture de sa quarante-cinquième édition, le Festival d’Ambronay a concocté un programme qui juxtapose des œuvres composées en Italie autour des années trente du XVIIIe siècle. Il commence avec le Concerto grosso n°5 d’Alessandro Scarlatti, interprété par la formation polonaise {oh!} Orkiestra. Dirigés du premier violon par Martyna Pastuszka [lire notre chronique d’Alessandro nell’ Indie], les musiciens – cinq violons, alto, violoncelle, contrebasse, clavecin et luth – produisent un son riche et dynamique, dans une excellente coordination. Couleurs et nuances sont également variées, suivant idéalement les indications données par la violoniste-cheffe, entre attaques mordantes et apaisements en piano subito. Le Concerto grosso n°3 du même Scarlatti confirme plus tard la belle qualité musicale de l’ensemble. Placés sur le côté de la scène, à distance rapprochée des instrumentistes, on goûte à une fort bonne acoustique, dans un fondu d’ensemble très agréable.

Cette situation s’avère malheureusement défavorable à la perception du chant. C’est d’abord le sopraniste brésilien Bruno de Sá qui interprète le motet In furore iustissimae iræ d’Antonio Vivaldi, permettant au chanteur d’utiliser ses capacités hors du commun, entre fureur et aigus stratosphériques de la première séquence, puis élégie de la partie intermédiaire, le moment à vrai dire le moins frustrant pour l’oreille quand la voix plane sur un tissu orchestral plus discret. Pour les autres passages, où l’on perçoit un son indirect de la part du chanteur qui projette vers le cap opposé à notre siège, il devient difficile de détecter les détails et subtilités, et l’on est bien conscient de perdre beaucoup dans l’appréciation de son art… dommage !

Ceci est également vrai pour le Stabat Mater de Pergolesi qui conclut le programme, où Bruno de Sá [lire nos chroniques des 7 janvier, 13 juin et 23 septembre 2023] est associé au contre-ténor Rémy Brès-Feuillet qui prend la partie d’alto – deux voix masculines, donc, bien contrastées. La formation instrumentale est à nouveau à la hauteur de cette extraordinaire partition et paraît accompagner aux mieux les deux solistes. Bruno de Sá impressionne encore, bien plus par des suraigus enflés jusqu’à pleine puissance que dans un registre grave par instants très discret, tandis que Rémy Brès-Feuillet [lire notre chronique du 29 septembre 2018], d’une couleur naturellement plus sombre, est capable d’une grande douceur en tenant certaines notes sur le souffle. Deux extraits du Stabat Mater sont accordés en bis, les deux solistes, pour le premier passage, faisant – ô miracle ! – un demi-tour afin de chanter vers la direction opposée. On reçoit un son plus direct, riche et plein… et l’on se dit avoir fâcheusement raté des moments d’exception.

IF