Chroniques

par monique parmentier

Stabat Mater, Pergolesi et Vivaldi
Sara Mingardo, Verónica Cangemi et Andrea Marcon

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 4 mai 2011
le c hef italien Andrea Marcon, patron du Venice Baroque Orchestra
© dr

Entièrement conçu pour permettre à deux grandes dames du chant baroque de briller, le programme de cette soirée n’a rien d’original, avec des œuvres extrêmement connues du « dolorisme musical » qui, par leur apaisante beauté, sur chacun produisent un effet toujours aussi prenant. Pour le public venu nombreux, Verónica Cangemi et Sara Mingardo étaient une garantie de connaître un fort beaumoment de musique.

Le Stabat Mater en était le pivot, celui de Vivaldi en première partie, celui de Pergolèse pour conclure. Cet hymne, qui date du XIIIe siècle et si souvent mis en musique depuis, était destiné à être chanté entre les stations du Chemin de Croix lors des cérémonies du Vendredi Saint. Il exprime toute la douleur d’une mère, la Vierge Marie, et la compassion des fidèles pour elle, mère entre toutes les mères qui sacrifie son enfant à une humanité souffrante. Àl’époque baroque, l’art, et donc la musique, n’ont pu que s’emparer de ce thème où laisser s’exprimer une sensualité doloriste. De plus, la version de Pergolèse s’auréole d’un voile tragique créé par la mort prématuré du musicien, à l’âge de vingt-six ans, peu de temps après l’avoir composé, une circonstance qui devait lui assurer un durable succès.

Ce soir, il faut bien reconnaître que les deux chanteuses, et particulièrement Sara Mingardo, ont su ravir un public qui ne demandait qu’à être conquis. Le timbre de velours sombre du contralto a particulièrement fait merveille dans le Stabat Mater de Vivaldi. Son interprétation d’une grande intériorité, son timbre chaud et apaisant en font une interprète d’une noblesse tragique. Dans cette œuvre, le théorbe est venu à plusieurs reprises lui apporterces notes cristallines porteuses d’espoir qui apaisent les craintes. Dans le Quis non posset contritari, elle a suspendu le temps, sa voix nous emportant à la limite du chant et du silence, de la plainte et des larmes, à cet instant précis où la douleur déchire jusqu’à l’extase.

Verónica Cangemi, quant à elle, touche par sa délicatesse, une palette de couleurs qui la rend touchante, vibrante dans le Salve Regina. On aurait juste aimé que son regard quitte parfois la partition.

En revanche, on ne peut que regretter qu’elles aient été placées derrière l’orgue positif depuis lequel Andrea Marcon [photo] imposait une direction écrasante. Les tempi trop langoureux, cette présence trop forte de l’orgue, jamais ne permirent de faire frémir les cordes. Quel dommage qu’au Venice Baroque Orchestra le chef n’ai jamais su insuffler cette énergie, cette lumière vivaldienne et la fougue, la flamme intérieure de Pergolèse (si ce n’est grâce aux voix). Que les dames en soient remerciées.

MP