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Chroniques
Stephen Cleobury dirige le King’s College Choir
musique anglaise, de l’Âge d’or aux Lumières
Qu’aurait été un british festival sans les voix du King’s College Choir, vénérable institution fondée en 1441 par Henry VI ? Ce soir, les garçons de Cambridge rencontrent les musiciens de Florilegium, leurs cadets de quelques cinq cent cinquante ans. Ensemble, sous la battue de Stephen Cleobury, ils honoreront la mémoire de deux géants de la musique britannique, de l’Âge d’or aux Lumières.
Purcell, pour commencer, avec un Jubilate qui bénéficie d’une articulation choisie et d’un équilibre vocal remarquable, subtilement soutenu par l’orgue. On goûte avec plaisir la couleur inimitable des soprani garçons ainsi que la conduite précise et raffinée de la dynamique générale. À chaque occasion, le chef rappelle que cette musique tangue et tourne comme aucune autre, laissant voguer l’écoute dans une houle contaminatrice. D’une facture plus discrète, le Te Deum jouit d’une distribution solistique irréprochable où brille le duetto soprano et alto, par ses redoutables répons modulés, qui plus est vocalisés, exemplairement réalisé.
Ce sont des choses qui arrivent : l’autre représentant de la musique anglaise du XVIIIe siècle est un… Saxon ! De fait, arrivé à Londres en 1710, soit quinze ans après la mort de Purcell, Händel verrait la Maison de Hanovre (George I) succéder aux Stuart (Anne I) sur le trône grand-breton dès 1714, soit une lignée écossaise s’éteindre au profit d’une allemande. Florilegium livre une interprétation (non dirigée) soignée, confortablement vive, de son Concerto grosso Op.6 n°5. Le Larghetto introductif s’avère généreusement ancré dans le grave, tandis que les instrumentistes soulignent à juste titre la réminiscence italienne de l’Allegro suivant. Toutefois, trop appuyée en ce sens, l’accentuation du Presto nuit à l’élégance de l’inflexion.Après la respiration soignée quasi recitativa du Largo, le second Allegro se fait bondissement facétieux et laisse bientôt le Menuet conclure dans une tendresse gracieuse qui emporte l’enthousiasme.
Deux pages chorales encadrent le concerto.
D’abord, le plus connu des quatre Coronation Anthems qu’Händel écrivit pour l’accession de George II, en 1727 : Zadok the priest, traditionnellement chanté lors de chaque couronnement (comme celui d’Elisabeth II, il y a cinquante-cinq ans). Cleobury en fige l’introduction dans un gel curieux et fascinant, scellant une fausse inertie du mouvement. L’arrivée de la masse chorale, ici particulièrement lumineuse, n’en est que plus éclatante. Quant à Let God Arise, onzième des Chandos Anthems composés durant les deux années que le Saxon passa chez son mécène (1717-1719), il révèle plus précisément encore l’inclination du chef vers le fondu, l’aimable et le lié.
BB